L’Irak et l’Iran ont beau être voisins et alliés, leurs relations se sont brutalement tendues mardi, après le tir de missiles balistiques par Téhéran sur le Kurdistan irakien. A Bagdad, le ministère des Affaires étrangères a dénoncé «une agression visant la souveraineté de l’Irak et la sécurité de son peuple (qui) contrevient aux principes de bon voisinage et de la loi internationale, et qui menace la sécurité de la région». Le chargé d’affaires iranien a été convoqué et l’ambassadeur irakien à Téhéran rappelé «pour consultations». La France et les Etats-Unis ont également condamné l’attaque.
L’Iran a tiré dans la nuit de lundi à mardi plusieurs missiles balistiques sur Erbil, capitale régionale du Kurdistan irakien, et en Syrie. Aucun n’a visé de base militaire américaine, cible régulière des milices chiites pro-iraniennes en Irak. Il s’agissait, selon Téhéran, d’une opération «précise et ciblée» en représailles contre l’Etat islamique, auteur d’un double attentat le 3 janvier à Kerman, dans le sud de l’Iran, lors d’une cérémonie près de la tombe du général Qassem Soleimani, tué en janvier 2020 par une frappe américaine en Irak, et contre les récents assassinats, imputés à Israël, de personnalités du régime et de ses alliés du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien, dont son numéro 2, Saleh al-Arouri.
Des informations peu plausibles
A Erbil, les Gardiens de la révolution ont donc affirmé avoir visé un «quartier général» du Mossad, les services de renseignement israéliens. Faux, a rétorqué Bagdad. «Nous avons inspecté le lieu, visité chaque recoin de la maison. Tout indique qu’il s’agit de la maison d’un homme d’affaires», a assuré le conseiller irakien à la Sécurité nationale, Qassem al-Aaraji. Il s’agirait de Peshraw Dizayee, un magnat de l’immobilier, qui a aussi des intérêts dans les hydrocarbures et la sécurité privée. L’homme a été tué, ainsi que d’autres membres de sa famille. La frappe iranienne a fait au moins quatre morts.
Aucun bilan n’a été publié après les tirs de missiles en Syrie. L’un d’eux aurait frappé une clinique à Harim, dans la province d’Idlib (nord-ouest), et d’autres auraient explosé dans la campagne au sud d’Alep, la grande ville du nord. L’Iran assure avoir visé un camp d’entraînement de la branche dite du Khorassan de l’Etat islamique, et des cibles liées au Parti islamique du Turkestan, un groupe jihadiste.
Ces affirmations ne sont pas plausibles. Comme l’a noté le chercheur Aaron Zelin, spécialiste de la Syrie, sur le réseau X (anciennement Twitter), l’Etat islamique au Khorassan n’a pas de camp d’entraînement en Syrie, et le Parti islamique du Turkestan n’est en rien affilié à Daech. Il est à l’inverse lié au groupe Hayat Tahrir al-Sham, qui contrôle Idlib et combat l’Etat islamique. Il est également présent en Afghanistan où il soutient les talibans, qui haïssent eux aussi Daech. Le régime syrien de Bachar al-Assad, qui doit sa survie à l’Iran et à ses Gardiens de la révolution, n’a pas réagi aux frappes iraniennes.