Menu
Libération
Jeu de dupes

L’Iran affirme que l’arme atomique est «inacceptable», l’AIEA s’alarme de son uranium enrichi

Alors que des négociations sont engagées avec Washington, Téhéran continue de mettre en avant son droit au nucléaire civil. Pour sa part, l’Agence internationale de l’énergie atomique pointe une nette hausse de l’uranium enrichi à 60%, seuil proche des 90% nécessaires pour fabriquer la bombe.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, le 18 mai 2025. (IP. AFP)
publié le 31 mai 2025 à 11h21
(mis à jour le 31 mai 2025 à 18h43)

«Si le problème est celui des armes nucléaires, oui, nous considérons également que ce type d’arme est inacceptable», a déclaré le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, lors d’un discours télévisé samedi 31 mai. Cette déclaration a lieu alors que l’Iran mène de délicats pourparlers sur le nucléaire avec les Etats-Unis. Les deux pays s’achoppent sur la question de l’enrichissement d’uranium : Washington demande que Téhéran y renonce totalement, ce que les Iraniens refusent catégoriquement, arguant de leur droit à se doter de capacités nucléaires civiles.

«Nous sommes d’accord avec eux sur cette question», a ajouté Abbas Araghchi en référence à la position américaine. Les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, et Israël, ennemi juré de l’Iran et considéré par des experts comme la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, soupçonnent Téhéran de vouloir se doter de l’arme nucléaire. L’Iran se défend d’avoir de telles ambitions militaires mais défend un droit au nucléaire civil notamment pour l’énergie.

«Ils ne peuvent pas avoir d’armes nucléaires»

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a noté une nette hausse de l’uranium enrichi à 60%, seuil proche des 90% nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire, d’après un bilan d’étape consulté par l’AFP à une semaine d’une réunion du Conseil des gouverneurs à Vienne. Le total s’élevait à 408,6 kg à la date du 17 mai, soit une augmentation de 133,8 kg sur les trois mois passés (à comparer +92 kg sur la période précédente).

Quant à la quantité totale d’uranium enrichi, elle dépasse désormais de 45 fois la limite autorisée par l’accord conclu en 2015 avec les grandes puissances, s’élevant à 9247,6 kg. «Cette hausse considérable de la production par le seul Etat non-détenteur d’armes nucléaires à produire une telle matière nucléaire, suscite une forte inquiétude», écrit l’instance onusienne.

«Ils ne peuvent pas avoir d’armes nucléaires», a pourtant réitéré vendredi le président américain Donald Trump, estimant qu’Iran et Etats-Unis étaient «assez proches d’un accord». Abbas Araghchi avait toutefois tempéré tout optimisme américain dans un message publié jeudi sur X, dans lequel il affirme n’être «pas sûr» de l’«imminence» d’un accord.

Ennemis depuis quatre décennies, Téhéran et Washington ont tenu le 23 mai à Rome un cinquième cycle de pourparlers sous la médiation du sultanat d’Oman. Le négociateur iranien, Abbas Araghchi, et son interlocuteur américain, Steve Witkoff, se sont quittés sans avancée notable mais se disent prêts à de nouvelles discussions. Aucune date n’a pour le moment été fixée. En cas d’accord avec Washington, l’Iran a affirmé mercredi qu’il pourrait autoriser sur son sol une visite d’inspecteurs américains sous l’égide de l’AIEA, l’agence onusienne du nucléaire.

«Nous reconsidérerons la possibilité d’accepter des inspecteurs américains»

«Si des questions sont soulevées, qu’un accord est conclu et que les demandes de l’Iran sont prises en compte, alors nous reconsidérerons la possibilité d’accepter des inspecteurs américains» de l’AIEA, a déclaré Mohammad Eslami, le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA). Il s’agirait d’une première depuis la Révolution islamique de 1979, selon le chercheur Ali Vaez, spécialiste de l’Iran à l’International Crisis Group, un cercle de réflexion américain.

Durant son premier mandat (2017-2021), Donald Trump avait retiré unilatéralement son pays d’un accord international sur le nucléaire conclu avec l’Iran en 2015 et rétabli de lourdes sanctions à l’encontre de Téhéran. Il cherche dorénavant à négocier un nouvel accord mais menace d’avoir recours à l’option militaire en cas d’échec de la diplomatie. De son côté, Israël a accusé l’Iran d’être «totalement déterminé à achever son programme d’armement nucléaire, malgré les innombrables avertissements de la communauté internationale», a indiqué le bureau du Premier ministre israélien dans un communiqué samedi.

Plus tard dans la journée de samedi, le ministère iranien des Affaires étrangères a qualifié de «politique» le rapport de l’AIEA, accusant l’agence de s’appuyer sur des «informations trompeuses» fournies par Israël. Ce rapport «ne présente pas une évaluation complète et précise des facteurs ayant un impact sur la situation actuelle», a affirmé le ministère dans un communiqué.

Mise à jour à 18 h 43 avec la réaction de l’Iran au rapport de l’AIEA.