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Epidémie

«Une hausse sans précédent du nombre de foyers de choléra dans le monde», selon l’OMS

Sécheresses, inondations, conflits, changements climatiques, de nombreux facteurs peuvent expliquer la propagation de l’épidémie qui touche 29 pays en Afrique et en Asie. Pour y remédier, l’Organisation mondiale de la santé préconise une seule dose de vaccin plutôt que deux.
L’Afrique, un continent traditionnellement confronté à la maladie, a le plus grand nombre de pays touchés. Nigeria, Kenya, Burkina Faso, Malawi, Mozambique, Niger ou République démocratique du Congo ont annoncé des cas de choléra. (Ricardo Arduengo/Reuters)
publié le 21 octobre 2022 à 6h50

Syrie, Liban ou bien Cameroun, le choléra fait des ravages partout dans le monde. Vingt-neuf pays ont ainsi signalé des cas de choléra depuis le début de l’année. Une situation alarmante pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui rappelle qu’«au cours des cinq années précédentes, moins de 20 pays en moyenne ont signalé des flambées». Dans un communiqué publié mercredi, l’OMS a également alerté sur le fait qu’elle faisait face à une pénurie de vaccins face à la recrudescence de la maladie.

A quoi est dû la résurgence du choléra ?

Plusieurs facteurs expliquent cette propagation, mais les causes principales sont les inondations, les sécheresses, les conflits et les mouvements de population. D’autres paramètres doivent toutefois être pris en compte, comme les difficultés d’accès à l’eau potable, qui augmentent le risque d’épidémie de choléra. Le choléra est une maladie qui ne touche que les humains, et l’infection est généralement contractée à partir d’aliments ou d’eau contaminés et provoque diarrhées et vomissements. Elle peut être mortelle en l’absence de traitement. A l’heure actuelle, l’OMS estime que les épidémies du choléra sont «plus nombreuses, plus étendues et plus graves».

Quels sont les pays touchés par la maladie ?

L’OMS ne donne pas la liste exhaustive des pays touchés. Toutefois, une carte du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), mise à jour le 16 septembre, indique un certain nombre de pays touchés par le choléra cette année. Trois régions du monde sont concernées : l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient.

L’Afrique, un continent traditionnellement confronté à la maladie, a le plus grand nombre de pays touchés. Nigeria, Kenya, Burkina Faso, Malawi, Mozambique, Niger ou République démocratique du Congo ont annoncé des cas. Quelques pays d’Asie, comme l’Inde, le Bangladesh, l’Afghanistan ou encore les Philippines apparaissent sur la carte. Le Pakistan fait également partie de cette liste. Le pays a été touché cet été par des inondations monstres, qui ont causé près de 1 400 morts. Un contexte favorable à la résurgence du choléra. La carte de l’ECDC indique qu’en août, 258 139 cas ont été détectés, dont 30 mortels.

Enfin au Moyen-Orient, l‘Irak, l’Iran ou la Syrie sont concernés. Cette dernière connaît hélas bien le choléra. Après une flambée épidémique en 2009, la maladie a refait son apparition fin août. Elle gagne du terrain, notamment dans le nord-est du pays, où plus de 13 000 cas suspects et 60 morts ont été enregistrés, la consommation d’eau polluée et l’irrigation de champs par des sources contaminées étant les principales raisons de la propagation de l’épidémie.

Dans cette région du monde, le Liban, pays épargné depuis trois décennies, vient réapparaître sur les radars de l’OMS. Les autorités libanaises ont confirmé, le 6 octobre, pour la première fois depuis 1993, 69 cas de choléra, dont 80 au cours des dernières soixante-douze heures, et 5 décès. «Il y a une accélération de la propagation de l’épidémie», a déclaré Firas Abiad, le ministre libanais de la Santé, lors d’une conférence de presse à Beyrouth mercredi, expliquant que «la grande majorité» des cas sont des réfugiés syriens qui ont fui la guerre. Confronté à une crise financière majeure, le pays n’est plus en capacité de garantir un accès généralisé à l’eau potable.

Pourquoi y a-t-il une pénurie de vaccin ?

En conséquence de ces flambées épidémiques, l’OMS fait face à un problème de taille : la pénurie de vaccin. Sur les 36 millions de doses au total qui devraient être produites en 2022, 24 millions ont déjà été expédiés pour des campagnes préventives (17 %) et réactives (83 %). 8 millions de doses supplémentaires ont été approuvées par le Groupe de coordination internationale (ICG) pour le deuxième cycle de vaccination d’urgence dans quatre pays, souligne l’OMS dans son communiqué. Elle explique également que «comme les fabricants de vaccins produisent à leur capacité actuelle maximale, il n’y a pas de solution à court terme pour augmenter la production».

La décision par un fabriquant indien du vaccin, filiale du français Sanofi, d’arrêter la production d’ici la fin de l’année, ajoute à l’inquiétude. Un porte-parole de l’entreprise française explique toutefois que la pénurie actuelle est due à une recrudescence des cas «et non à un arrêt de la production de vaccins par Sanofi, puisque nous continuons actuellement à livrer des doses du vaccin».

Le groupe rappelle avoir annoncé dès 2020 sa décision d’arrêter la production à cause du faible nombre de doses produites et «du fait que d’autres acteurs avaient alors annoncé une augmentation de leurs capacités de production». Il a aussi signé un accord de transfert de compétences afin de faciliter l’arrivée de nouveaux producteurs de vaccins.

Comment l’OMS s’organise ?

La pénurie de vaccins contre le choléra force l’OMS à passer des deux doses recommandées à une seule. «Ce changement de stratégie permettra de fournir des doses à plus de pays au moment d’une hausse sans précédent du nombre de foyers dans le monde», écrit l’OMS.

Médecins sans frontières (MSF) y voit une «décision de dernier recours» qui permet «d’éviter de faire le choix impossible d’envoyer des doses dans un pays plutôt qu’un autre». «La vaccination à dose unique offrira une protection plus courte, mais c’est le moyen juste et équitable d’essayer de protéger autant de personnes que possible alors que nous sommes confrontés à des épidémies de choléra simultanées», estime la docteure Daniela Garone, coordinatrice médicale internationale de MSF.

L’OMS assure que «la dose unique s’est avérée efficace». Pourtant, l’organisation reconnaît manquer d’éléments pour mesurer la durée exacte de la protection avec un régime à une seule dose. Par ailleurs, cette dose unique ne semble pas assurer une bonne protection chez les enfants. MSF alerte sur une situation qui risque de durer. «Cette solution n’est que temporaire et la pénurie actuelle d’approvisionnement est une grave préoccupation pour toute réponse à court et moyen terme nécessaire pour de nouvelles épidémies de choléra cette année», reprend Daniela Garone. L’urgence est là.