Des combats ont opposé samedi des tribus et bédouins sunnites aux combattants druzes à Sweida, malgré le «cessez-le-feu immédiat» annoncé plus tôt dans la journée par la présidence syrienne. Les violences communautaires dans cette ville du sud du pays ont fait 940 morts depuis une semaine, dont 588 Druzes (326 combattants et 262 civils), 312 membres des forces gouvernementales et 21 Bédouins sunnites, d’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme.
Dans un quartier de la ville, des combattants tribaux, certains au visage masqué, tirent avec des armes automatiques en direction de leurs adversaires, selon des images de l’AFP. Des colonnes de fumée s’élèvent au-dessus du chef-lieu de la province. Plus loin, des membres de tribus tirent en l’air, d’autres circulent à bord de camionnettes ou de scooters. A côté, un véhicule endommagé et un immeuble noirci par les flammes témoignent des violences. «Nous sommes venus ici et nous allons les massacrer tous dans leurs maisons», a lancé en référence aux druzes l’un des combattants tribaux, se faisant appeler Abou Jassem.
Les forces de sécurité syriennes ont commencé ce samedi à se déployer dans cette province à majorité druze, après l’annonce par les Etats-Unis d’un accord entre la Syrie et Israël, jusque-là opposé à la présence des forces gouvernementales syriennes dans la région.
Vendredi, le gouvernement syrien et Israël s’étaient en effet accordés sur un cessez-le-feu. Pourtant, des affrontements ont continué d’opposer des combattants tribaux et druzes à l’entrée de Sweida, dans le sud de la Syrie, où des violences ont également entraîné le déplacement de 87 000 personnes depuis une semaine.
Benyamin Nétanyahou et le président intérimaire syrien, Ahmed al-Charaa, «ont accepté un cessez-le-feu», a annoncé l’émissaire américain pour la Syrie, Tom Barrack, deux jours après des bombardements israéliens sur Damas.
«Nous appelons les Druzes, les Bédouins et les sunnites à déposer les armes et, ensemble, avec les autres minorités, à construire une identité syrienne nouvelle et unie, dans la paix et la prospérité avec ses voisins», a écrit Tom Barrack sur le réseau social X.
L’hôpital gouvernemental de Sweida, le seul de la ville qui fonctionne encore, a accueilli «plus de 400 corps depuis lundi matin», parmi lesquels «des femmes, des enfants et des personnes âgées», a dit à l’AFP le médecin Omar Obeid.
«Situation catastrophique»
Ces violences fragilisent encore plus le pouvoir d’Ahmed al-Charaa qui, à la tête d’une coalition de groupes rebelles islamistes, avait renversé le président Bachar al-Assad en décembre, dans un pays meurtri par près de quatorze ans de guerre civile.
Dans un communiqué vendredi soir, la présidence a exhorté «toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier la raison», tout en affirmant travailler «à l’envoi d’une force spéciale pour mettre fin aux affrontements».
Escalade
Le pouvoir syrien, disant vouloir rétablir l’ordre, avait déjà déployé ses forces mardi à Sweida, jusque-là contrôlée par des combattants druzes. L’OSDH, des témoins et des groupes druzes ont toutefois accusé les forces syriennes d’avoir combattu au côté des Bédouins et d’avoir commis des exactions.
Les forces gouvernementales s’étaient retirées jeudi de la ville, après des menaces et des bombardements d’Israël qui a dit vouloir protéger la minorité druze, Ahmed al-Charaa affirmant sa volonté d’éviter une «guerre ouverte» avec Israël.
Vendredi matin, des combattants de tribus arabes sunnites, qui ont afflué de différentes régions syriennes pour prêter main-forte aux Bédouins, s’étaient massés autour de Sweida. Et vendredi soir, quelque 200 de ces combattants ont été vus échangeant des tirs d’armes automatiques à l’entrée ouest de la ville avec les groupes druzes positionnés à l’intérieur.
Dans Sweida privé d’eau et d’électricité et où les communications sont coupées, «la situation est catastrophique. Il n’y a même plus de lait pour nourrissons», a déclaré le rédacteur en chef du site local Suwayda 24, Rayan Maarouf. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’est dit «profondément préoccupé par la détérioration rapide de la situation humanitaire» dans la région.
Samedi soir, Paris a exhorté au respect du cessez-le-feu : «La France salue l’annonce d’un cessez-le-feu dans la région de Soueida. Elle exhorte l’ensemble des parties à le respecter strictement et à s’abstenir de toute action unilatérale. Les combats et violences doivent immédiatement cesser», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, demandant aussi le rétablissement des «accès humanitaires». «La France rappelle également l’importance de l’engagement des autorités de transition à enquêter sur les exactions inacceptables commises contre les civils dont les responsables doivent être identifiés et traduits rapidement en justice», a ajouté le Quai d’Orsay, qui a en outre appelé les autorités syriennes «à garantir la sécurité et les droits de toutes les composantes du peuple syrien, comme le président Charaa s’y est engagé».
Mise à jour à 10 h 01 avec l’annonce d’un cessez-le-feu immédiat à Sweida ; à 18 h 13 avec la poursuite des combats, un bilan de l’OSDH revu à la hausse et des éléments de reportage ; à 19 h 32 avec les déclarations du Quai d’Orsay.