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Libération
Guerre Hamas-Israël

«Massacre de la farine» à Gaza : Israël affirme que des soldats ont tiré «précisément sur plusieurs suspects»

Après un premier examen du drame du 29 février, durant lequel environ 120 Palestiniens sont morts après un mouvement de foule autour d’un convoi d’aide humanitaire, l’armée israélienne affirme désormais avoir «tiré précisément sur plusieurs suspects». Une version qui ne correspond toutefois pas avec les témoignages des rescapés.
Une image d'un convoi humanitaire dans la ville de Gaza, le 2 mars. (Reuters)
publié le 8 mars 2024 à 11h57

La nuance a toute son importance. Un premier examen du drame survenu le 29 février à Gaza où 120 personnes, selon les autorités du Hamas, ont été tuées autour d’un convoi d’aide humanitaire pris d’assaut par une foule affamée, montre que des soldats israéliens ont «tiré précisément sur plusieurs suspects», déclare ce vendredi 8 mars l’armée israélienne. «L’examen mené par le commandement a révélé que les troupes [israéliennes] n’ont pas tiré sur le convoi humanitaire, mais qu’elles ont tiré sur un certain nombre de suspects qui s’approchaient [de soldats israéliens] et présentaient une menace», écrit l’armée dans un communiqué.

Selon un témoin interrogé par l’AFP, ce jour-là les violences ont éclaté alors que des milliers de personnes désespérément en quête de nourriture s’agglutinaient dans l’ouest de la ville de Gaza. Au passage d’un convoi d’aide «des milliers de personnes [ont] pris d’assaut les camions» et «les soldats [israéliens présents] ont tiré sur la foule car les gens s’approchaient trop près des chars», avait expliqué ce témoin. Le soir du drame, le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne, avait insisté sur le fait que l’armée israélienne protégeait ce convoi, affrété selon lui par l’Egypte, pour lui permettre d’arriver à bon port, dans le nord de la bande de Gaza, où l’ONU redoute une famine imminente après cinq mois de guerre entre Israël et le Hamas.

Un bilan de 115 morts selon le Hamas

Selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste palestinien, 115 personnes ont été tuées, toutes par des tirs israéliens, dans ce bain de sang du 29 février, dont les circonstances restent encore loin d’être claires et qui a suscité une vague d’indignation internationale.

Mais selon l’armée israélienne le convoi, attaqué vers 4h30 sur la route côtière dans l’ouest de la ville de Gaza, a été «pillé» par «une foule d’environ 12 000 Gazaouis». «Pendant que se déroulait le pillage, des incidents ayant porté grand tort aux civils ont été provoqués par [une] bousculade et le fait que des gens ont été renversés par des camions», écrit Tsahal. De plus, «des dizaines de Gazaouis se sont avancées en direction des troupes [israéliennes] proches, jusqu’à plusieurs mètres d’elles, posant ainsi une véritable menace» pour ces soldats.

«A ce stade, les soldats ont tiré de façon préventive pour maintenir les suspects à distance. Comme les suspects continuaient d’avancer vers eux, les troupes ont tiré précisément sur plusieurs suspects pour éliminer la menace», affirme encore le communiqué de l’armée, sans préciser le nombre éventuel de morts causés par ces tirs, ou par la bousculade.

Avant d’en arriver à de telles conclusions, Tsahal a changé plusieurs fois de versions. Mise en cause, l’armée israélienne n’avait mentionné, dans un premier temps, aucun coup de feu. Avant de reconnaître quelques heures plus tard que des soldats ont bien «dispersé la foule avec quelques tirs d’avertissement» en l’air en insistant «qu’aucune frappe des forces israéliennes n’a été menée en direction du convoi d’aide». Elle admet finalement aujourd’hui que des tirs ont bien visé des Palestiniens «représentants une menace».

Reste que les différents témoignages des rescapés et des médecins qui ont soigné les victimes, contredisent cette nouvelle version présentée par Tsahal. Auprès de Libération, Akhmed K., présent sur les lieux pour obtenir de la nourriture, a notamment assuré qu’«il y avait des snipers et des tanks qui ont commencé à tirer sur les gens qui attendaient l’aide. S’il y a eu un mouvement de foule, c’est à cause des tirs, parce que les gens ont eu peur. C’est vrai que tout le monde s’est précipité, mais c’était pour fuir les balles. On a essayé de se réfugier dans un bâtiment détruit tout proche avec plusieurs personnes. Ceux qui fuyaient vers la plage, ils ont été visés par les snipers et les tanks. Tout le monde était surpris.»

Mise à jour : à 14 h 09, avec l’ajout de précisions sur les témoignages de rescapés, et la déclaration d’Akhmed K.