Il est encore trop tôt pour savoir si ce 31 décembre marquera un tournant dans les tensions en mer Rouge, où les rebelles houthis du Yémen multiplient les attaques depuis des semaines, perturbant le trafic maritime dans cette zone commerciale parmi les plus empruntées au monde. Mais une chose est sûre : lancé ce dimanche à l’aube, leur 24e assaut depuis mi-novembre – selon le décompte de l’armée américaine – est le plus meurtrier à ce jour.
Toutes les victimes – dix hommes – se comptent dans les rangs des Houthis, rebelles d’obédience zaydite – une branche minoritaire de l’islam chiite – engagés depuis 2014 dans une guerre civile sanglante au Yémen. Le 31 octobre, les Houthis ont déclaré ouvertement la guerre à Israël, en solidarité avec le Hamas palestinien, soutenu, comme eux, par l’Iran. Revendiquant leur appartenance à un «axe de la résistance» contre Tel-Aviv auquel appartient aussi le Hezbollah libanais.
Depuis, à coups de missiles, de drones, d’assaut en mer et de prise d’otages, ils multiplient les opérations en mer Rouge contre des cargos, des porte-conteneurs et des pétroliers, assurant cibler les navires se dirigeant vers l’Etat hébreu ou étant liés, d’une manière ou d’une autre, à Israël.
Interview
Face à l’instabilité croissante dans la région, plusieurs géants du commerce maritime ont temporairement suspendu leur navigation dans cette zone stratégique qui relie l’océan Indien à la Méditerranée, et donc l’Europe à l’Asie. Le 18 décembre, les Etats-Unis avaient annoncé la formation d’une coalition navale de dix pays, dont la France, pour renforcer la sécurité en mer Rouge.
«Légitime défense»
C’est dans ce contexte explosif que l’attaque de dimanche matin est survenue. Selon le Commandement militaire américain au Moyen-Orient (Centcom), le porte-conteneurs Maersk-Hangzhou a émis un appel de détresse à 6h30, heure locale, indiquant être attaqué par quatre petites embarcations de rebelles houthis. Une équipe de sécurité privée présente à bord du navire commercial, battant pavillon de Singapour, a répliqué aux tirs.
Dans le même temps, plusieurs hélicoptères de la Marine américaine ont décollé de deux navires militaires présents dans la zone, le porte-avions USS Eisenhower et le destroyer USS Gravely, pour porter assistance au porte-conteneurs. Visés par des tirs houthis, les hélicoptères américains «ont riposté en état de légitime défense, coulant trois des quatre petits navires, et tuant les équipages», a indiqué le Centcom dans un communiqué, précisant que le quatrième bateau avait «fui la zone» et que les forces américaines n’avaient subi ni victimes ni dégâts.
Quelques heures plus tard, en milieu d’après-midi dimanche, deux sources du port yéménite de Hodeïda, contrôlé par les Houthis, ont indiqué à l’AFP que dix rebelles houthis avaient été tués par les tirs américains. Quatre rescapés sont arrivés à Hodeïda, avec deux blessés, a ajouté l’une des sources sous couvert d’anonymat.
Long et coûteux détour
Signe de la vivacité des tensions, le Maersk-Hangzhou avait déjà signalé samedi soir avoir été touché par un tir de missile. Alors que deux navires américains répondaient à sa demande d’assistance, l’un d’eux, le USS Gravely, avait abattu deux nouveaux missiles balistiques lancés depuis le territoire yéménite en direction des navires.
Dans la foulée de cette double attaque, le géant danois Maersk a annoncé dimanche suspendre pendant quarante-huit heures le transit de sa flotte en mer Rouge. Une semaine seulement après avoir annoncé le retour de ses navires dans la zone, tout comme ceux de l’armateur français CMA-CMG. Le groupe français a indiqué à l’AFP ne pas envisager, à ce stade, d’éviter à nouveau provisoirement la zone. Les tensions en mer Rouge ont incité certaines compagnies à emprunter le cap de Bonne-Espérance, situé à la pointe sud de l’Afrique, se lançant dans un long et coûteux détour.
L’annonce par Washington du déploiement de la force navale internationale «Prosperity Guardian» («Gardien de la prospérité»), rejointe notamment par la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne ou Bahreïn, n’a en tout cas pas dissuadé les Houthis de poursuivre leurs attaques. Reste à savoir quelles conséquences pourrait avoir l’incident meurtrier de ce dimanche, d’un côté comme de l’autre. A ce jour, l’armée américaine n’a pas frappé directement les Houthis sur le sol yéménite, redoutant une escalade qui pourrait enflammer davantage le Moyen-Orient. Avec l’Iran en embuscade.