Outre le personnel et le trafic maritime, les frappes incessantes des Houthis en mer Rouge mettent aussi en danger l’environnement. Mardi 16 juillet, une nappe de pétrole de longue 220 kilomètres a été repérée au large des côtes yéménites, après une attaque des rebelles houthis ayant endommagé le tanker Chios Lion, a annoncé mercredi 17 juillet une ONG britannique spécialisée dans la protection de l’environnement. Le navire, battant pavillon libérien, avait été ciblé lundi 15 juillet lors de son passage à environ 180 kilomètres au nord-ouest de la ville portuaire de Hodeïda.
Depuis le mois de novembre, les Houthis du Yémen torpillent des navires en mer Rouge et dans le golfe d’Aden dans le cadre d’une campagne visant à marquer leur solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza, où Israël est en guerre depuis le 7 octobre contre le mouvement islamiste palestinien du Hamas. En mars, un tir de missile avait provoqué le naufrage du vraquier Rubymar, chargé de 22 000 tonnes d’engrais chimique, inquiétant certaines associations comme Greenpeace concernant le risque de pollution que représentent ces attaques. Wim Zwijnenburg, spécialiste des questions liées aux conflits et à l’environnement au Moyen-Orient au sein de l’ONG néerlandaise Pax For Peace, alerte également quant à cette menace écologique qui pèse sur l’écosystème marin sensible de la mer Rouge et les communautés côtières du Yémen.
A lire aussi
Une nappe de pétrole de 220 kilomètres a été repérée au large des côtes yéménites après l’attaque du pétrolier Chios Lion cette semaine. Quelle est la gravité de l’incident ?
Sur les images auxquelles nous avons accès, la nappe de pétrole actuelle est légère et reflète des spectres de différentes couleurs qui indiquent la présence de pétrole léger, et non de pétrole brut lourd, qui a une consistance plus noire à la surface de l’eau. Il est donc très probable que cette nappe de pétrole soit du diesel utilisé par le bateau-citerne lui-même comme carburant, et non du pétrole brut qu’il transporte. Il semble que la double coque n’ait pas été percée par l’explosion, ou du moins pas de manière significative, autrement cela aurait entraîné un déversement massif de sa charge en pétrole brut dans la mer. Certains pourraient dire qu’il s’agit d’une bonne nouvelle, car l’impact écologique est minime : le pétrole léger s’évapore assez vite, contrairement au pétrole brut, qui est très épais et collant et reste à la surface de l’eau.
Quels seraient alors les risques ?
S’il s’agissait d’un déversement de pétrole brut de grande ampleur, cela affecterait l’écosystème marin de la mer Rouge, notamment les récifs coralliens et leurs nombreuses espèces de poissons. En fonction du courant, les îles alentour, comme les îles Farasan ou l’archipel érythréen des Dahlak, pourraient aussi être touchées. Les zones côtières yéménites, ses pêcheries et ses quelques réserves naturelles protégées comprenant des espèces de tortues seraient aussi concernées. Au niveau des côtes saoudiennes, les usines de dessalement de l’eau potable pourraient aussi être affectées. Les attaques des Houthis sur les navires constituent donc un risque permanent pour l’environnement marin de la mer Rouge.
A lire aussi
Cette zone est-elle particulièrement polluée en temps normal ?
On assiste à une accumulation de pollution dans la zone, qui empire avec les offensives des rebelles houthis. Des milliers de bateaux traversent chaque jour cette route commerciale et détériorent l’écosystème marin. Pour les communautés de pêcheurs de la côte yéménite, c’est une inquiétude de longue date quant aux risques de contamination de l’eau. D’autant que de nombreuses fuites de pétrole arrivent régulièrement en mer Rouge, comme en 2019 avec l’explosion du tanker iranien Sabity, au large du port saoudien de Djeddah.
Des mesures sont-elles prises sur place pour endiguer cette menace ?
Une équipe du Programme des Nations unies pour l’environnement est sur place pour documenter un autre incident survenu en mars. Le vraquier Rubymar, contenant des milliers de tonnes d’engrais chimique, avait coulé en mer Rouge après avoir été endommagé par une frappe des Houthis, représentant un grand risque de pollution si sa cargaison venait à se répandre dans l’eau. Il est difficile de faire davantage, en raison des attaques des missiles qu’ils continuent de lancer régulièrement sur les navires de passage, et de l’opération en cours de la coalition internationale pour les contrer [lancée en décembre 2023 par les Etats-Unis, ndlr].
A lire aussi
Justement, les nations étrangères se préoccupent-elles du risque qui plane sur l’écosystème marin ?
De manière générale, les risques environnementaux liés à des conflits ne sont pas considérés comme une priorité urgente par les Etats. L’attaque sur le pétrolier Chios Lion montre pourtant qu’il y a un sérieux risque de catastrophe environnementale lié aux attaques houthies, qui pourraient engendrer des conséquences à long terme sur l’écosystème marin, dont beaucoup de communautés côtières dépendent. D’autant que les Yéménites doivent déjà affronter au quotidien une crise climatique [d’après le Fonds des Nations Unies pour la population, le Yémen fait partie des quatorze pays les plus vulnérables au changement climatique, ndlr] et une guerre civile.