«C’est une erreur qui a suivi une mauvaise identification de nuit, pendant une guerre, dans des conditions très complexes. Cela n’aurait pas dû se produire.» Ce mercredi, par la voix du général Herzi Halevi, chef d’état-major de son armée, Israël a reconnu avoir commis une faute en frappant lundi soir un convoi de l’ONG américaine World Central Kitchen (WCK), tuant sept travailleurs humanitaires. Le chef de l’Etat hébreu, Isaac Herzog, avait fait part quelques heures plus tôt de «sa profonde tristesse et ses excuses sincères». Mais un article publié ce mardi par le journal israélien Haaretz jette le trouble sur les circonstances dans lesquelles le drame s’est produit, remettant en cause la piste de la simple «bavure». Selon le quotidien, qui cite des sources sécuritaires israéliennes, les militaires ont ciblé délibérément les véhicules de l’ONG, car ils avaient repéré, dans un camion qui circulait avec eux un peu plus tôt, un homme armé qu’ils soupçonnaient d’être un terroriste.
Au moment où il est visé, le convoi de WCK roule vers un centre logistique à Rafah, à la frontière de l’Egypte, en provenance d’un entrepôt à Deir Al-Balah, où l’ONG organise des déchargements de vivres par voie maritime. Ses trois véhicules sont clairement identifiables comme appartenant à l’organisation humanitaire, et la route qu’ils empruntent a été approuvée au préalable par les autorités israéliennes. Las : dans une salle de commandement israélienne, des militaires ordonnent de tirer sur le convoi. Trois fois, contre chacun des véhicules, alors que les victimes essaient tant bien que mal de transférer les blessés d’une voiture à l’autre pour les mettre hors de danger. Bilan de cet acharnement : sept morts, soit la totalité des passagers du convoi. Un Palestinien, trois Britanniques, une Australienne, un Polonais, un Américano-Canadien, âgés de 25 ans à 57 ans. «Je suis consternée que nous, World Central Kitchen, et le monde, ayons perdu de belles vies aujourd’hui à cause d’une attaque ciblée des forces israéliennes», s’est émue la présidente de l’ONG, Erin Gore.
«Le résultat inévitable de la façon dont la guerre est menée»
Quant à l’homme armé identifié par Tsahal, il est resté avec son camion dans l’entrepôt de Deir Al-Balah, et n’a donc pas été atteint par les frappes. «C’est frustrant. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour frapper les terroristes avec précision, et en fin de compte, les unités sur le terrain décident de lancer des attaques sans aucune préparation, dans des cas qui n’ont rien à voir avec la protection de nos forces armées», déplore une source sécuritaire citée par Haaretz, dans une tentative de cantonner le drame à une erreur individuelle. Le quotidien de la gauche israélienne indique que Tsahal considère cet événement comme «un incident grave qui risque d’avoir des effets considérables sur la poursuite des combats à Gaza, en raison de la détérioration de la légitimité internationale» de l’opération israélienne dans l’enclave palestinienne, où près de 33 000 personnes ont été tuées depuis le 7 octobre, selon le ministère de la Santé à Gaza, contrôlé par le Hamas.
«C’est inadmissible. Mais c’est le résultat inévitable de la façon dont la guerre est menée», dénonce le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. L’armée israélienne a promis une enquête sur les circonstances de l’attaque pour «limiter le risque [que] cela se reproduise» une telle tragédie, alors que plusieurs dizaines de travailleurs humanitaires ont déjà été tués depuis le début de la guerre, dont au moins 150 membres de l’Unrwa, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens. Selon Haaretz, des émissaires de l’Etat hébreu seront envoyés auprès des gouvernements britannique, australien, polonais, américain et canadien pour leur présenter personnellement les conclusions de cette enquête sur la mort de leurs ressortissants. En attendant, WCK a annoncé la suspension de ses activités dans la bande de Gaza. L’ONG était une des rares à opérer encore dans le territoire palestinien, menacé par la famine.