Nous nous sommes retrouvés chez lui plutôt qu’au Grand Sérail, le siège du gouvernement libanais, somptueux bâtiment à l’architecture ottomane et aux vastes pièces un peu froides. Plutôt que de s’y installer comme nombre de ses prédécesseurs, Nawaf Salam a préféré demeurer dans son appartement situé dans une rue ordinaire de Beyrouth, un immeuble moderne dont l’entrée est cependant gardée par une demi-douzaine de soldats. Nous nous étions connus à la Cité universitaire de Paris au début des années 70. Mai 68 était encore dans nos têtes, on croyait toujours au grand soir, y compris pour notre Liban natal, promis comme les autres à une révolution certaine qui balayerait son vieux régime confessionnel et permettrait à ses enfants, quelle que soit leur religion, d’accéder à une citoyenneté pleine et entière. Cet espoir a été douché à partir de 1975 – et de quelle manière ! – par une guerre civile atroce qui a duré quinze longues années.
A la fin de cette guerre, les milices qui avaient ravagé le pays ont accepté de rendre les armes (toutes sauf une, le Hezbollah), à condition qu’on les amnistie d