A quoi pensent les jeunes Iraniens ? A quoi aspire cette génération Z, que l’on entraperçoit parfois sur les réseaux sociaux lors de manifestations contre le régime ? Le documentaire Nous, jeunesse(s) d’Iran ne prétend pas répondre de façon exhaustive. Mais il offre bien plus qu’un aperçu, il déroule un panorama bâti sur les témoignages de plusieurs de ces jeunes : des étudiants dans des grandes villes ou en exil, une combattante kurde, un ancien bassidji – une branche des Gardiens de la révolution – ou une mère célibataire, cadre dans un ministère, qui dit «soutenir à 100 % le régime islamique».
Leur vie n’est plus la même depuis l’avènement du mouvement «Femme, vie, liberté» et ses manifestations après la mort le 16 septembre 2022 de la jeune Kurde Mahsa Amini, arrêtée et violemment battue pour avoir porté des «vêtements inappropriés». Les rassemblements, usés par une répression féroce, se sont depuis éteints, mais le mouvement perdure autrement. «En voyant ces images, on pourrait croire que nous sommes calmes, dit une étudiante en montrant une vidéo tournée dans sa fac où filles et garçons déjeunent dans les couloirs. Mais une part de nous reste accrochée à la révolte qui continue.»
L’une des idées fortes du film est qu’il se transporte au Kurdistan irakien, où des groupes armés d’opposition ont des bases et des camps d’entraînement. Là-bas, une combattante en treillis explique sa guerre, différente de celle des jeunes éduqués de Téhéran. «Ils se battent pour faire la fête ; moi, c’est pour respirer dans un territoire libre.»
La journaliste indépendante Solène Chalvon-Fioriti, collaboratrice de Libération, n’a en revanche pas pu filmer elle-même en Iran. Le régime ne délivre que très rarement des visas à la presse étrangère, et quand il le fait, encadre strictement les envoyés spéciaux. Solène Chalvon-Fioriti a récupéré les images tournées par une jeune Iranienne, Sarah, un pseudonyme, durant plus d’un an. Alors que témoigner à visage découvert pour un média étranger peut valoir arrestation et emprisonnement à Téhéran, la réalisatrice a eu recours à une technique innovante pour protéger les interviewés : l’intelligence artificielle pour masquer de manière dynamique les visages. Le procédé, signalé à chaque fois qu’il est utilisé, peut paraître déroutant mais la force, la vivacité et l’humour, parfois, des paroles de cette génération Z le fait très rapidement oublier.