L’ONG Amnesty International, qui recense depuis 1990 les exécutions à travers le monde, n’a pas encore publié son rapport 2024. Mais une chose est d’ores et déjà acquise : l’Arabie Saoudite, riche monarchie du Golfe figurera à nouveau sur le podium des pays ayant le plus eu recours, cette année, à la peine de mort. Le classement reste dominé par la Chine, où ont eu lieu plus de la moitié des exécutions planétaires, selon les estimations, soit des milliers de personnes – le chiffre est classé secret d’Etat. Vient ensuite l’Iran qui, l’an dernier, a exécuté au moins 853 personnes, selon l’organisation de défense des droits humains.
D’après un décompte actualisé mardi par l’AFP à la suite d’annonces des autorités saoudiennes, le nombre d’exécutions dans le royaume a dépassé la barre des 300, soit presque une par jour en moyenne. Une très nette augmentation par rapport aux 172 de l’an dernier et au record absolu de 196 exécutions, qui datait de 2022. Taha al-Hajji, directeur juridique de l’ONG l’European Saudi Organisation for Human Rights, a qualifié les exécutions de 2024 d’«incompréhensibles et inexplicables», s’alarmant de la «vitesse» à laquelle elles ont été menées.
«Mépris flagrant»
«Ce sombre bilan montre le mépris flagrant des autorités saoudiennes pour le droit à la vie et contredit leurs propres promesses de limiter le recours à la peine de mort», a déclaré Lina al-Hathloul, responsable de la communication de l’organisation de défense des droits humains ALQST. Malgré les pressions exercées depuis des années par les ONG, le premier exportateur mondial de pétrole ne compte pas modifier sa politique en la matière, convaincue que la peine capitale est «nécessaire au maintien de l’ordre public».
En 2022, le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto du pays, avait déclaré au magazine The Atlantic que le royaume avait limité la peine de mort aux crimes majeurs. Un engagement non tenu, déplorent les défenseurs des droits humains. «Les chiffres ne mentent pas et contredisent complètement ces déclarations», a déclaré Taha al-Hajji à l’AFP. Depuis l’arrivée au pouvoir du roi Salmane en 2015, l’Arabie Saoudite a procédé à plus de 1 000 exécutions, un bilan d’autant plus critiqué que le pouvoir en place avait déclaré vouloir libéraliser la société saoudienne et moderniser le système judiciaire du royaume.
Depuis le début de l’année, 45 personnes ont été exécutées pour «des affaires liées au terrorisme» et au moins 103 pour trafic de drogue, soit plus d’un tiers du total. Face à la part élevée des condamnations à mort liées au trafic de drogue, les Nations unies ont exhorté Riyad à mettre fin aux exécutions pour ce motif, estimant que les peines sévères en la matière contredisent les normes internationales. Autre record battu cette année par l’Arabie Saoudite : parmi les 303 personnes exécutées depuis janvier figurent 113 étrangers, pour la plupart condamnés pour trafic de drogue.
Au centre du jeu diplomatique
Un temps paria après l’assassinat barbare du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul en 2018, Mohammed ben Salmane est revenu depuis au centre du jeu diplomatique. Fort de ses liens avec Moscou et Pékin, réconcilié avec l’Iran et sur le point de retrouver un allié de poids en la personne de Donald Trump à Washington, MBS se pose en acteur incontournable de la scène internationale.
Emmanuel Macron, l’un des premiers à lui avoir rendu visite quand il était encore ostracisé, espère également renforcer sa relation avec lui. Le président français a entamé lundi une visite d’Etat de trois jours dans le royaume saoudien. Mardi, plusieurs contrats et accords ont été annoncés, notamment dans le secteur des énergies renouvelables, avant un dîner en tête-à-tête entre les deux dirigeants. Forte de «l’excellence de sa relation» avec Riyad, la France assure aborder régulièrement la question des droits humains avec ses interlocuteurs saoudiens. Visiblement sans grand résultat.