Menu
Libération
Merci de l'avoir posée

Qu’est-ce que la «Nakba», redoutée par les civils de Gaza ?

La «Nakba» ou la «catastrophe» fait référence à l’exode forcé des Palestiniens en 1948. Avec déjà près d’un million de déplacés dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre Hamas-Israël, le 7 octobre, les civils craignent un nouveau désastre.
Des Palestiniens quittent le nord de la bande de Gaza, le 13 octobre. (Mahmud Hams /AFP)
publié le 16 octobre 2023 à 17h20

Fuyant les frappes de Tsahal, sommés d’évacuer le nord de la bande de Gaza pendant l’opération militaire de riposte à l’attaque du Hamas, certains civils palestiniens ont l’impression de vivre une nouvelle «Nakba». An-Nakbah, littéralement «désastre» ou «catastrophe», fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne durant la guerre israélo-arabe de 1948. Dimanche, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) évoquait près d’un million de personnes déplacées dans la bande de Gaza depuis le lancement de l’offensive de l’organisation terroriste, le 7 octobre.

La «Nakba» est depuis commémorée chaque 15 mai, au lendemain de la date de la proclamation de l’Etat d’Israël. A l’origine de ce terme, Constantin Zureik, intellectuel syrien et théoricien du nationalisme arabe moderne. En séjour à Beyrouth au Liban durant l’été 1948, Zureik écrit Ma ‘an al Nakba («la signification de la catastrophe»), un ouvrage consacré à la défaite du peuple palestinien face aux forces armées sionistes.

Une répartition rejetée

En février 1947, les Britanniques annoncent qu’ils abandonnent leur mandat en Palestine. S’ensuit un examen de la région par les Nations unies qui décident le 29 novembre de la même année d’adopter la résolution 181 et le partage de la Palestine en trois entités. Un Etat juif (55 % de la superficie), un Etat arabe (45 % de la superficie) et le placement de Jérusalem et de Bethléem sous administration internationale. Une répartition rejetée par les pays arabes, qui y voient alors une déclaration de guerre.

Jamal al-Husseini, délégué officieux auprès des Nations unies, proteste au nom de la communauté arabe : «Ces trente dernières années, l’arrivée d’immigrants étrangers nous a été imposée. Et aujourd’hui, ces immigrants toujours minoritaires réclament un Etat juif dans notre propre pays dans lequel nous deviendrons la minorité.» Entre décembre 1947 et mars 1948, cette phase de transition s’accompagne d’une explosion des violences, forçant 100 000 Palestiniens à quitter leurs foyers.

Une trêve qui vole en éclats

Début avril, la guerre civile entre Arabes et juifs s’intensifie. La Haganah, organisation paramilitaire née en 1920, prend les armes pour défendre les communautés juives face aux attaques arabes visant les kibboutz et les moshav (coopératives agricoles). Le 9 avril 1948, les combattants de l’Irgoun, une organisation armée de la droite sioniste, alliés aux paramilitaires du Lehi – ou «groupe Stern», du nom de son premier dirigeant, le poète Avraham Stern –, attaquent le village de Deir Yassin à l’ouest de Jérusalem. Les 120 combattants sionistes tuent entre 77 et 120 civils palestiniens, dont des vieillards, des femmes et des enfants, selon les historiens. Un massacre qui poussera des milliers de Palestiniens à l’exode : entre 250 000 et 300 000 Arabes palestiniens fuient les combats, l’armée israélienne capitalisant sur les craintes nées de cette attaque. Certaines villes arabes tombent avant même la création de l’Etat hébreu : Haïfa, le 22 avril, et Jaffa, le 13 mai, ainsi que les villes de Tibériade ou encore Acre. Au cours de cette période, ces localités perdent plus de 90 % de leur population arabe.

Le 14 mai 1948, David Ben Gourion, le chef du gouvernement provisoire israélien, proclame la fondation de l’Etat d’Israël à Tel-Aviv. Il faut attendre le lendemain et le départ des dernières troupes britanniques pour qu’éclate véritablement la guerre israélo-arabe. La Jordanie, le Liban, la Syrie, l’Irak et l’Egypte se liguent contre l’Etat hébreu. Leurs troupes sont envoyées au combat et franchissent la frontière le 15 mai.

Après six semaines d’affrontements, la trêve négociée entre les belligérants, de courte durée, vole en éclats. Les opérations de Tsahal se succèdent, de même que les expulsions. Les Palestiniens continuent de fuir, l’exode forcé devient massif : près de 300 000 Palestiniens prennent la route. La fin de la guerre n’arrête pas les mouvements de population. En sécurisant ses frontières, l’Etat hébreu entraîne encore le déplacement d’environ 40 000 personnes. Les Palestiniens s’installent dans des camps de réfugiés disséminés entre la Cisjordanie, la bande de Gaza, le Liban et la Syrie. Aujourd’hui, les réfugiés palestiniens, descendants de ces personnes déplacées, sont plus de 5 millions.