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Libération
Merci de l'avoir posée

Qu’est-ce que le phosphore blanc qu’Human Rights Watch accuse Israël d’utiliser

L’ONG dénonce l’utilisation, par Tsahal à Gaza et au Liban, de ces munitions interdites dans les zones où vivent des civils en raison des brûlures qu’elles provoquent. Israël dément formellement cette accusation.
Capture d'écran vidéo X (anciennement Twitter) montrant un tir de munition au phosphore blanc au sud du Liban, le 10 octobre.
publié le 13 octobre 2023 à 12h34

L’accusation est venue d’Human Rights Watch (HRW), le 12 octobre. «Israël a utilisé du phosphore blanc lors d’opérations militaires à Gaza et au Liban, exposant les civils à des risques de blessures graves et à long terme», assure l’ONG. Cette substance à l’odeur caractéristique d’ail s’enflamme au contact de l’oxygène, générant une température d’environ 800 °C mais aussi beaucoup de lumière et de fumée. «Le phosphore blanc provoque des brûlures atroces et peut mettre le feu aux habitations», poursuit le HRW.

Quand Israël aurait-il usé de phosphore blanc ?

Selon le HRW, Israël aurait utilisé des armes au phosphore blanc au Liban et à Gaza les 10 et 11 octobre. L’ONG précise avoir «vérifié des vidéos (ici et ici, ndlr), montrant de nombreuses explosions aériennes de phosphore blanc provenant de tirs d’artillerie au-dessus du port de Gaza et de deux zones rurales le long de la frontière israélo-libanaise, et a recueilli les témoignages de deux personnes concernant l’une de ces attaques à Gaza». L’armée israélienne a, dans un premier temps, répondu qu’elle n’avait «actuellement pas connaissance de l’utilisation d’armes contenant du phosphore blanc à Gaza», avant de nier catégoriquement des accusations «absolument fausses. L’armée de défense d’Israël n’a pas déployé ce genre de munitions.»

Concernant la frappe sur Gaza, le HRW affirme avoir recueilli deux témoignages au téléphone d’habitants du quartier d’al-Mina. «Tous deux ont décrit des frappes aériennes en cours avant de voir des explosions dans le ciel suivies de ce qu’ils ont décrit comme des lignes blanches allant vers la terre. Tous deux ont déclaré que l’odeur était étouffante. Ils estiment que l’attaque a eu lieu entre 11 heures 30 et 13 heures», le 11 octobre, précise le HRW. En analysant leur vidéo, l’ONG a identifié les munitions utilisées comme étant des projectiles d’artillerie d’un calibre de 155 mm.

Le phosphore blanc est-il interdit par les conventions internationales ?

L’utilisation du phosphore blanc est encadrée par le Protocole III à la Convention sur certaines armes classiques, qu’Israël n’a pas ratifié. «L’utilisation du phosphore blanc est illégale et indiscriminée lors d’explosions aériennes dans des zones urbaines peuplées, où cette substance peut incendier des maisons et causer des dommages considérables aux civils», a déclaré Lama Fakih, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

Mais le texte est, en partie, ambigu. «Premièrement, le Protocole III restreint en partie, mais pas totalement, l’utilisation d’armes incendiaires lancées depuis le sol dans des zones où se trouvent de nombreux civils, comme dans le cas des tirs d’artillerie au phosphore blanc à Gaza. Deuxièmement, la définition des armes incendiaires dans le Protocole porte sur les armes qui sont «essentiellement conçues» pour mettre le feu et brûler des personnes», explique le HRW.

Or le phosphore blanc est souvent utilisé pour créer un écran de fumée et marquer, mais aussi pour éclairer une position. Néanmoins, pour ces usages, le HRW pointe qu’il existe d’autres produits moins dangereux pour les populations. Interrogé sur BFMTV en 2022 sur le sujet, l’historien militaire Michel Goya résume ainsi : le phosphore blanc est une arme «autorisée» mais «dégueulasse».

Le phosphore blanc a-t-il déjà été utilisé ?

En mars 2022, l’Ukraine a accusé la Russie d’user de phosphore blanc dans ses bombardements. En 2017, la coalition internationale a utilisé des munitions au phosphore blanc à Raqqa, fief syrien de l’Etat islamique (EI). En 1996, La Papouasie-Nouvelle-Guinée a utilisé du phosphore blanc contre les indépendantistes de l’île de Bougainville.

Tsahal a déjà utilisé ce type d’armes à Gaza en 2009. «En 2013, en réponse à une requête déposée devant la Haute Cour de justice d’Israël concernant les attaques à Gaza, l’armée israélienne a affirmé qu’elle n’utiliserait plus de phosphore blanc dans les zones peuplées, sauf dans deux situations précises qu’elle a révélées uniquement aux juges», rappelle Human Rights Watch.

Mise à jour à 16h00 : avec la réponse de Tsahal.