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Libération
«Otages d’Etat»

Qui sont les sept Français détenus par l’Iran ?

Au moins sept ressortissants français sont actuellement emprisonnés en Iran, considérés comme des «otages d’Etat» par le Quai d’Orsay. L’état de santé de l’un d’entre eux, Bernard Phelan, est très préoccupant.
Manifestation pour la libération de Fariba Adelkhah, devant Sciences-Po Paris, le 13 janvier. (THOMAS COEX/AFP)
publié le 21 janvier 2023 à 10h07
(mis à jour le 26 janvier 2023 à 16h11)

Alors que les relations entre l’Iran et les Européens se détériorent, des dizaines d’Occidentaux sont détenus dans les geôles iraniennes, parfois depuis plusieurs années et dans des conditions très difficiles. Pour les défenseurs des droits humains, Téhéran utilise cette stratégie de prise d’otages pour arracher des concessions à l’Occident. Un «chantage» dénoncé à plusieurs reprises par la France, qui reconnaît qu’au moins sept de ses ressortissants sont emprisonnés en Iran. Jeudi, Paris a réclamé la mise en place d’une action coordonnée au sein de l’Union européenne pour faire libérer les Européens détenus en Iran, dont le nombre exact n’est pas connu. L’identité de l’un des prisonniers-otages français reste inconnue.

Fariba Adelkhah

Cette anthropologue franco-iranienne de 63 ans a été arrêtée par les Gardiens de la révolution à l’aéroport de Téhéran, en juin 2019, avec l’universitaire Roland Marchal, libéré lors d’un échange de prisonniers après neuf mois d’incarcération. Directrice de recherches à Sciences-Po Paris, cette spécialiste du chiisme et de l’Iran post-révolutionnaire a été condamnée en mai 2020 à cinq ans de prison pour «atteinte à la sécurité nationale» et «propagande contre le système» politique de la République islamique – ce que ses proches ont toujours farouchement nié. Pour protester contre son incarcération, Fariba Adelkhah a mené une grève de la faim de 49 jours, conjointement avec l’universitaire australo-britannique Kylie Moore-Gilbert, libérée depuis.

Assignée à résidence en octobre 2020 avec l’obligation de porter un bracelet électronique et l’interdiction de sortir au-delà d’un périmètre de 300 mètres autour de chez elle, elle a été réincarcérée en janvier 2022 dans la prison d’Evin, connue pour ses mauvais traitements des prisonniers politique. Dans un entretien publié en juin 2021, Roland Marchal décrivait Fariba Adelkhah comme une «Iranienne jusqu’au bout des ongles mais éprouvant un vrai amour pour la France et sa culture» : «Comme les autorités iraniennes ne reconnaissent pas la double nationalité, elle ne sera pas échangée contre un Iranien détenu en France ou en Belgique. Elle-même, pour l’instant, ne désire pas quitter son pays d’origine. Elle veut retrouver sa liberté en Iran.»

Benjamin Brière

«Il est à bout de souffle», alerte Blandine Brière à propos de son frère. Agé de 37 ans, Benjamin Brière a été arrêté en mai 2020 pour avoir pris des «photographies de zones interdites» avec un drone de loisirs dans un parc naturel iranien, avant d’être condamné à huit ans de prison pour espionnage. Incarcéré à la prison de Valikabad, à Mashhad (nord-est), ce Français originaire de Lyon a toujours démenti ces accusations. Ses proches le présentent comme «un touriste à la soif de découverte et d’aventures» : avant d’arriver en Iran, le trentenaire avait sillonné les routes de la Scandinavie, des Balkans et de la Turquie dans un van aménagé.

«Il ne se cache plus derrière un «je vais bien» car les conditions de détention sont inhumaines, insalubres», a récemment déclaré sa sœur, peu après avoir envoyé une lettre à Emmanuel Macron. Des comités de soutien de Benjamin Brière, Fariba Adelkhah et Cécile Kohler (ci-dessous) ont appelé à un rassemblement à Paris le 28 janvier pour demander leur libération.

Cécile Kohler et Jacques Paris

Originaire d’Alsace, Cécile Kohler, enseignante agrégée de lettres modernes et syndicaliste de 38 ans, était partie découvrir l’Iran lorsqu’elle a été arrêtée, en mai, avec son compagnon Jacques Paris, 69 ans. Accusés eux aussi d’espionnage, ils sont détenus dans une section de haute sécurité de la prison d’Evin, selon le comité de soutien de Cécile Kohler. Ses proches avaient décidé de s’exprimer publiquement après la diffusion par le régime iranien, début octobre, d’une vidéo présentée comme des «aveux», selon laquelle le couple travaillait pour les services de renseignements français. Paris avait alors évoqué pour la première fois des «otages d’Etat» en Iran.

Pour la première fois depuis son arrestation, la famille de Cécile Kohler a pu s’entretenir avec elle lors d’un appel vidéo sur WhatsApp, le 18 décembre. «L’entretien, qui a duré quelques minutes, n’avait pas été annoncé. Il a eu lieu sous surveillance. Portant un voile, Cécile n’a pas pu parler librement, a précisé le comité de soutien. Nous l’avons sentie très éprouvée psychologiquement. Elle souffre notamment énormément de n’avoir pu avoir aucun contact avec sa famille en plus de sept mois.»

Bernard Phelan

Bernard Phelan a atterri en Iran le 17 septembre, au lendemain de la mort de Mahsa Amini à la suite de sa garde à vue pour un «voile mal porté», qui a déclenché des manifestations massives dans le pays. A 64 ans, ce Franco-Irlandais a été arrêté le 3 octobre alors qu’il était en «voyage d’études» dans le cadre de ses activités de «consultant pour un tour-opérateur», a récemment expliqué Caroline Massé-Phelan, selon laquelle son frère a été arrêté au prétexte qu’il faisait de la propagande anti-régime. Il n’a pas encore été jugé.

Détenu dans une cellule de la prison de Vakilabad à Mashhad, ce passionné d’Iran souffre de problèmes cardiaques et d’une pathologie aux os nécessitant une prise en charge médicale. Face à l’inflexibilité de Téhéran sur les demandes répétées de Paris et de Dublin de le libérer, il a entamé une grève de la faim, le 31 décembre, puis une grève de la soif, lundi. Depuis, son état de santé ne cesse de se détériorer. «C’est une question de jours, alerte sa sœur. [Ces Européens emprisonnés] sont des gens innocents qui sont utilisés comme sorte de pions dans des histoires qui vont au-delà de notre compréhension.»

Louis Arnaud

Ses parents ont décidé de briser le silence, ce 26 janvier. Louis Arnaud, 35 ans, a lui aussi été arrêté, le 28 septembre, après le début du soulèvement populaire. Ce «grand voyageur» était un «simple citoyen du monde, qui souhaitait le parcourir pour mieux le connaître et le comprendre», ont écrit ses parents, Jean-Michel et Sylvie Arnaud, dans un communiqué.

Le consultant dans le secteur bancaire, qui ambitionnait de faire le tour du monde, avait déjà traversé l’Italie, la Grèce, la Turquie, la Géorgie et l’Arménie. Il avait posé ses bagages en Iran, le 2 septembre. Détenu dans la prison d’Evin, il n’a pu recevoir qu’une seule visite de l’ambassadeur français à Téhéran depuis son arrestation. Ses parents assurent qu’il n’est «ni comploteur, ni espion, ni malfaiteur» et qu’il n’a jamais «exprimé d’idées hostiles à l’Iran, à son gouvernement ou à l’islam».

Mise à jour le 26/01/2023 à 16h15 avec le portrait de Louis Arnaud et l’appel de la France à une action commune de l’UE