La réponse n’aura pas tardé. La présidence française a dénoncé ce mardi 19 août au soir comme «erronée, abjecte» l’accusation de Benyamin Nétanyahou, qui a estimé que la volonté d’Emmanuel Macron de reconnaître l’Etat palestinien nourrissait l’antisémitisme. La lettre du chef du gouvernement israélien «ne restera pas sans réponse», a ajouté l’Elysée, qui a aussi affirmé que «la République protège et protègera toujours ses compatriotes de confession juive». «La période exige gravité et responsabilité, pas amalgames et manipulations», a encore souligné la présidence.
Un peu plus tôt, le ministre français des Affaires européennes, Benjamin Haddad, avait déjà sèchement répondu aux nouvelles accusations du Premier ministre israélien. La France n’a «pas de leçons à recevoir dans la lutte contre l’antisémitisme», avait-il souligné, au micro de BFMTV. «Je voudrais dire de façon très claire et très ferme que ce sujet de l’antisémitisme qui empoisonne nos sociétés européennes, et on a vu une accélération des actes antisémites violents depuis les attaques du Hamas du 7-Octobre, on ne peut pas l’instrumentaliser», avait ajouté le ministre, selon qui les autorités françaises ont «toujours été extrêmement mobilisées contre l’antisémitisme».
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La gauche rejette toute instrumentalisation
Sur cette question, la gauche s’est rangé du côté d’Emmanuel Macron : «Reconnaître l’Etat palestinien, c’est une mesure de justice historique [...] qui vise à empêcher Benjamin Netanyahu et son gouvernement de mettre fin à la solution à deux Etats, puisque c’est ce qu’il essaie de faire en annexant la Cisjordanie, en préparant l’occupation de Gaza», a réagi Chloé Ridel, porte-parole du PS sur Franceinfo. La députée européenne n’en avait pas fini, jugeant que Benyamin Nétanyahou, était «un leader d’extrême droite qui instrumentalise la notion d’antisémitisme, alors même que l’antisémitisme est bien réel dans notre pays».
Une dénonciation partagée par Mathilde Panot, au même moment sur France Inter : «Instrumentaliser l’antisémitisme comme une arme diplomatique est honteux non seulement parce que ça affaiblit la lutte nécessaire contre l’antisémitisme, mais surtout parce que cela vise à assimiler les juifs dans le monde à une politique génocidaire d’un criminel poursuivi par la Cour pénale internationale.» La présidente du groupe insoumis à l’Assemblée a toutefois critiqué le « respect du droit international à géométrie variable » d’Emmanuel Macron, déplorant : «Il y a eu 18 trains de sanctions [européens] contre Poutine pour avoir violé le droit international en Ukraine, zéro contre Nétanyahou.»
Dans un message sur X, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France Yonathan Arfi a regretté la querelle entre la France et Israël, jugeant que «la lutte contre l’antisémitisme [était] un sujet trop essentiel pour devenir l’objet d’un différend diplomatique». Le responsable a toutefois donné le point au Premier ministre israélien, rappelant sa «désapprobation du projet de reconnaissance d’un Etat palestinien par la France» et son intention de «travailler avec les pouvoirs publics et demander que l’antisémitisme soit mieux combattu notamment en y intégrant l’antisionisme, devenu le carburant de la haine des Juifs».
Louanges pour Donald Trump
Dans un courrier officiel transmis à l’AFP ce mardi après-midi, le Premier ministre israélien s’en était pris au président de la République en des termes forts. «Je suis préoccupé par la montée alarmante de l’antisémitisme en France et par le manque d’actions décisives de votre gouvernement pour y faire face. Ces dernières années, l’antisémitisme a ravagé les villes françaises», a écrit Benyamin Nétanyahou à Emmanuel Macron.
«Depuis vos déclarations publiques attaquant Israël et signalant la reconnaissance d’un Etat palestinien, il a augmenté», affirme-t-il. «Suite à l’attaque sauvage du Hamas contre le peuple israélien le 7 octobre 2023, des extrémistes pro-Hamas et des radicaux de gauche ont lancé une campagne d’intimidation, de vandalisme et de violence contre les Juifs à travers l’Europe», une campagne qui «s’est intensifiée en France» sous le mandat d’Emmanuel Macron, estime Benyamin Nétanyahou. Il liste plusieurs incidents récents, dont le saccage de l’entrée de bureaux de la compagnie aérienne El Al à Paris, l’agression d’un homme juif à Livry-Gargan en 2017, ou des rabbins «agressés dans les rues de Paris». «Ces incidents ne sont pas isolés. Ils constituent une plaie».
«Votre appel à un Etat palestinien alimente ce feu antisémite. […] Cela récompense la terreur du Hamas, renforce le refus du Hamas de libérer les otages, encourage ceux qui menacent les Juifs français et favorise la haine des Juifs qui rôde désormais dans vos rues», accuse encore le dirigeant israélien. Il loue en contre-exemple le président américain Donald Trump, pour son «combat» contre les crimes antisémites et pour «protéger les Juifs américains».
«Président Macron, l’antisémitisme est un cancer. Il se propage lorsque les dirigeants restent silencieux. Il recule lorsque les dirigeants agissent. Je vous appelle à remplacer la faiblesse par l’action, l’apaisement par la volonté, et à le faire avant une date claire : la nouvelle année juive, le 23 septembre 2025», apostrophe en conclusion Benyamin Nétanyahou, dont le ministre des Affaires étrangères avait d’ailleurs recommandé la fermeture du consulat français à Jérusalem. Cette date marque aussi la fin prévue de l’assemblée générale de l’ONU en septembre.
«Le vieux disque s’est rayé»
Emmanuel Macron a reçu le soutien de l’Autorité palestinienne, qui a jugé l’attaque «injustifiée et hostile à la paix et au consensus international sur le principe d’une solution à deux Etats». Le ministère de l’Autorité s’est d’ailleurs moqué de la sortie du Premier ministre israélien : «Le vieux disque qui entretient la confusion entre la critique de l’occupation israélienne et ses crimes ou le soutien aux droits du peuple palestinien à la paix et l’indépendance avec l’antisémitisme ou la haine contre les juifs s’est rayé (...), personne n’est dupe.»
Interview
La guerre dans la bande de Gaza, déclenchée après l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023, a ravivé les velléités internationales à reconnaître l’Etat de Palestine. La France, par la voix d’Emmanuel Macron, a annoncé fin mai qu’elle reconnaîtrait en septembre prochain l’Etat de Palestine, à l’occasion de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations unies.
Une décision qui «récompense la terreur», avait alors déjà fustigé Nétanyahou, en référence à l’attaque du 7-Octobre. Les Etats-Unis, premier soutien d’Israël, ont pour leur part «fermement» rejeté une mesure «imprudente». Quelques jours plus tard, le Canada avait lui aussi fait part de son intention en faveur d’un Etat de Palestine. Le Royaume-Uni a également annoncé qu’il le reconnaîtrait, sauf si Israël prenait une série d’engagements, dont celui d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
Conférence internationale pour une solution «à deux Etats»
Au total, les trois quarts des Etats membres de l’ONU reconnaissent l’Etat de Palestine, proclamé par la direction palestinienne en exil à la fin des années 1980. Cet acte diplomatique a été réalisé par une dizaine de pays depuis le début de la guerre à Gaza.
Fin juillet, l’Australie et 14 autres pays occidentaux, parmi lesquels la France et le Canada, ont «invité» la communauté internationale à reconnaître la Palestine. La Nouvelle-Zélande, voisine de l’Australie, a dit également qu’elle réfléchirait d’ici septembre à reconnaître un Etat de Palestine.
La France coprésidera en septembre avec l’Arabie saoudite une conférence internationale au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement visant à relancer la solution dite «à deux Etats», palestinien et israélien.
Mise à jour mercredi 20 août avec les réactions de la gauche puis du Crif.