A l’heure où l’indignation internationale se faisait de plus en plus forte face à la stratégie d’Israël dans la bande de Gaza - bientôt 60 000 tués et plus d’une centaine de morts de malnutrition ces derniers jours - Emmanuel Macron a annoncé jeudi 24 juillet au soir qu’il reconnaîtrait l’Etat de Palestine en septembre, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies. «Cette décision récompense la terreur», a immédiatement dénoncé le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou alors que le Hamas appelait d’autres Etats à suivre Paris.
A ce jour, plus de 140 Etats ont reconnu un Etat palestinien, une avancée diplomatique à laquelle les Etats-Unis de Donald Trump s’opposent fermement.
En Palestine, le Hamas a salué «un pas positif» après l’annonce d’Emmanuel Macron, que le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot confirmera la semaine prochaine lors d’une conférence à New York. L’organisation appelle d’autres pays à faire de même. «Nous considérons cela comme une étape positive dans la bonne direction pour rendre justice à notre peuple palestinien opprimé et soutenir son droit légitime à l’autodétermination», écrit le Hamas dans un communiqué, appelant «tous les pays du monde — surtout les nations européennes et celles qui n’ont pas encore reconnu l’État de Palestine — à suivre l’exemple de la France».
De son côté, Hussein al-Sheikh, vice-président de l’Autorité palestinienne, estime que cette décision «reflète l’engagement de la France envers le droit international et son soutien aux droits du peuple palestinien à l’autodétermination et à la création de notre Etat indépendant».
«Cette reconnaissance devait avoir lieu depuis quelques décennies mais il n’est jamais trop tard pour faire le bon pas pour être en conformité avec le droit international», a estimé Hala Abou Hassira, la représentante de l’Autorité palestinienne en France, sur BFM.
En Israël, les critiques se mêlent aux accusations et aux menaces. Pour Benyamin Nétanyahou, la décision d’Emmanuel Macron «récompense la terreur» et constitue une menace existentielle pour Israël. Cette initiative «risque de créer un autre proxy iranien, tout comme Gaza l’est devenu», affirme-t-il dans un communiqué. Soit, «une rampe de lancement pour anéantir Israël - et non pour vivre en paix à ses côtés».
«Soyons clairs : les Palestiniens ne cherchent pas à obtenir un Etat aux côtés d’Israël, ils cherchent un Etat à la place d’Israël», a dénoncé le Premier ministre israélien.
Son vice-Premier ministre, Yariv Levin, qualifie carrément l’annonce de «tâche noire dans l’histoire française et d’aide directe au terrorisme». Laissant augurer du pire pour les Palestiniens vivant hors de la bande de Gaza, Levin ajoute qu’il est donc «temps d’appliquer la souveraineté israélienne» en Cisjordanie, territoire qu’Israël occupe depuis 1967. Mercredi, plus de 70 députés israéliens avaient voté un appel au gouvernement à annexer la Cisjordanie occupée, afin de «retirer de l’ordre du jour tout projet d’Etat palestinien», laissant craindre une nouvelle escalade.
Dans un long post sur le réseau X, le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar dénonce une décision d’Emmanuel Macron «ridicule et dénuée de sérieux». «Toutes les conditions qu’il avait lui-même posées il y a quelques semaines se sont évaporées. Seul subsiste l’État illusoire qu’il prétend instaurer», écrit le chef de la diplomatie israélienne. «Un État palestinien sera un État du Hamas […] Le président Macron ne peut pas assurer la sécurité d’Israël. Espérons qu’il y parviendra dans les rues de Paris»
En France, sans surprise, le Rassemblement national, qui a savamment cultivé ses relations avec l’Etat hébreu ses dernières années, a déploré une décision «précipitée». Pour Jordan Bardella, le président du parti de Marine Le Pen, cela accorde au Hamas «une légitimité institutionnelle et internationale inespérée». Soit peu ou prou la position de Nétanyahou.
«Il s’agit d’une décision précipitée, davantage motivée par des considérations politiques personnelles que par une sincère recherche de justice et de paix», a réagi Jordan Bardella sur le réseau X.
Jean-Luc Mélenchon, en pointe en France dans la critique virulente contre Israël, a présenté cette décision française de «victoire morale», tout en déplorant qu’elle ne soit pas immédiate. «Pourquoi en septembre et pas maintenant ? Et l’embargo sur les armes ? Et la rupture de l’accord de coopération ?», s’est interrogé le leader de la France insoumise sur le réseau X.
De son côté, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a déploré jeudi soir une annonce «sans conditions préalables» et dénoncé «une faute morale, une erreur diplomatique et un danger politique».
En Europe, près de la moitié des Etats de l’UE ont déjà reconnu l’Etat de Palestine, certains depuis la fin des années 90. L’Espagne et l’Irlande ont franchi le pas au printemps 2024, après six mois d’offensive israélienne à Gaza.
Jeudi soir, Pedro Sanchez a estimé que la décision française aiderait à «protéger» une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien. «Ensemble, nous devons protéger ce que (le Premier ministre israélien Benjamin) Nétanyahou essaie de détruire. La solution à deux Etats est la seule solution», a écrit le Premier ministre socialiste espagnol, critique virulent de l’offensive israélienne à Gaza, sur X.