A chaque jour ou presque son revers pour le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. Visé depuis lundi par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), qui a demandé l’émission d’un mandat d’arrêt à son encontre, il doit faire face à une nouvelle fronde diplomatique initiée par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, qui ont annoncé ce mercredi 22 mai leur reconnaissance officielle de l’Etat de Palestine. «Cela a pris de long mois pour amener les 27 Etats membres [de l’UE à exiger] un cessez-le-feu à Gaza et à réitérer leur soutien à une solution à deux Etats, mais nous devons être sincères et reconnaître que cela n’est pas suffisant, a déclaré le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, devant la Chambre des députés. C’est le moment de passer des paroles aux actes, de dire à des millions de Palestiniens innocents qui souffrent que nous sommes avec eux et qu’il y a de l’espoir.» Pedro Sánchez n’aura pas besoin de passer par un vote, il lui suffira de se baser sur une résolution adoptée en 2014 par l’ensemble des partis politiques. La date officielle de reconnaissance d’un Etat palestinien a été fixée au 28 mai.
Tribune
La Norvège a choisi la même date. Elle avait accueilli les pourparlers secrets qui ont abouti aux accords d’Oslo de 1993, entérinés par la poignée de mains entre le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin devant le président américain Bill Clinton à la Maison Blanche. Les accords, qui visaient une coexistence pacifique des deux peuples, n’ont pas pu se concrétiser après l’assassinat de Rabin par un extrémiste juif en 1995. «Nous devons faire vivre la seule alternative offrant une solution politique à la fois aux Israéliens et aux Palestiniens : deux Etats, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité», a déclaré mercredi le Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Store. «[La solution à deux Etats est] le seul chemin crédible vers la paix et la sécurité pour Israël et pour la Palestine», a ajouté quasi simultanément son homologue irlandais, Simon Harris, depuis Dublin.
«Outil diplomatique»
L’Espagne aurait espéré convaincre d’autres pays européens, dont la France, de se joindre à elle. Paris n’est pas opposé à la reconnaissance d’un Etat palestinien, mais estime que le moment n’est pas le bon. «La France considère que les conditions ne sont pas encore réunies pour que cette décision ait un impact, a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, après avoir reçu son homologue israélien, Israël Katz. Il ne s’agit pas seulement d’une question symbolique ou d’un enjeu de positionnement politique, mais d’un outil diplomatique au service de la solution à deux Etats vivant côte à côte, en paix et en sécurité.»
Ce sont donc désormais 142 pays sur les 193 Etats membres de l’ONU qui soutiennent une solution à deux Etats, selon l’Autorité palestinienne. La Slovénie et Malte devraient les rejoindre prochainement.
L’annonce de l’Irlande, de la Norvège et de l’Espagne a été saluée comme «une étape importante» par le Hamas et comme un moment «historique» par l’OLP. Elle a aussi, sans surprise, été fustigée par le gouvernement israélien, dont le Premier ministre n’a jamais voulu de cette solution. «[Ces trois pays veulent envoyer] un message aux Palestiniens et au monde entier : le terrorisme paie, a réagi Israël Katz. Après que l’organisation terroriste Hamas a perpétré le plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah, après avoir commis les crimes sexuels les plus horribles que le monde ait connus, ces pays ont choisi de récompenser le Hamas […] et de reconnaître un Etat palestinien.» Les trois ambassadeurs européens ont été convoqués. Israël a également rappelé ses ambassadeurs en Norvège et en Irlande.
Pression sur la CPI
Benyamin Nétanyahou doit aussi faire face à la crise provoquée par la demande de mandat d’arrêt émise lundi contre lui et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour la façon dont la guerre à Gaza a été menée, ainsi que contre trois dirigeants du Hamas, par le procureur de la CPI, Karim Khan. Mardi, lors d’une interview sur NBC, il l’a qualifié de «procureur voyou qui cherche à diaboliser le seul et unique Etat d’Israël».
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Dans sa guerre annoncée contre la CPI, il a reçu le soutien des Etats-Unis. Mardi, lors d’une séance au Congrès, le sénateur républicain Lindsey Graham a interpellé le chef de la diplomatie Antony Blinken : «Il faut des actes, pas que des paroles. Soutiendrez-vous une action bipartisane pour sanctionner la CPI, pas seulement pour son offense contre Israël mais aussi pour protéger nos intérêts à l’avenir ?» «Je serai ravi de le faire», a répondu Blinken. Un peu plus tôt, il avait estimé que la procédure de la CPI était «extrêmement malavisée» et «compliquait» l’éventualité d’un cessez-le-feu.
Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis menacent la CPI. En 2020, Donald Trump, alors président, avait fait inscrire la procureure Fatou Bensouda et un autre responsable de la cour, Phakiso Mochochoko, sur la liste noire du Trésor américain, d’ordinaire dévolue aux terroristes et aux dignitaires de dictatures, après l’annonce de l’ouverture d’une enquête sur les exactions de soldats américains en Afghanistan. Une fois élu, Joe Biden avait levé ces sanctions. «Les magistrats de la CPI ont l’habitude des pressions, explique un juriste spécialisé en droit international. Cela ne les arrêtera pas, au contraire.»