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Guerre

Risque d’escalade au Moyen-Orient : comment Israël se prépare

Entre fermeture d’usines, stocks de provisions et salles d’hospitalisation souterraines, les Israéliens anticipent les risques liés à une riposte de l’Iran et du Hezbollah.
Militaires israéliens dans la bande de Gaza, lundi 13 août 2024. Photo fournie par l'armée israélienne. (-/AFP)
publié le 13 août 2024 à 19h33

Des officiers et sous-officiers de l’armée israélienne privés de voyages à l’étranger… L’interdiction frappant ces militaires, annoncée ce mardi 13 août, fait suite à une «nouvelle évaluation» de la situation, selon le chef de l’armée de l’air israélienne Tomer Bar. Anticipation, prospective, évaluation ou réévaluations du risque de guerre régionale dominent l’agenda au sein des états-majors et de l’exécutif israélien, près de deux semaines après le double assassinat du chef du Hamas Ismaïl Haniyeh à Téhéran et du chef militaire du Hezbollah Fouad Chokr à Beyrouth. Les signes de tensions germent à mesure qu’approche également la reprise des négociations sur la trêve à Gaza et la libération des otages israéliens détenus par le Hamas, prévue ce jeudi 15 août. «L’attente israélienne fait partie de la punition, avait déclaré la semaine dernière le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à propos de cette incertitude sur la riposte qui pourrait cibler l’Etat hébreu. C’est une bataille de moral et de nerfs autant qu’une bataille d’armes et de sang.»

Une guerre des nerfs qui s’accompagne de préparatifs. Fermetures d’usines stockant des produits inflammables dans le nord du pays, préparation aux situations d’urgence, aménagement d’hôpitaux souterrains, et même d’un bunker sous les collines de Jérusalem… Cette dernière infrastructure, bâtie après la guerre avec le Liban de 2006 et conçue pour résister à toute une palette de frappes, est «pleinement opérationnelle» en vue d’accueillir de hauts dirigeants durant «une longue période de guerre», selon le Times of Israel. Egalement baptisé «Centre national de gestion», le bunker a été aménagé par le Shin Bet, service de renseignement intérieur israélien, alors que se renforçait, depuis le début du mois d’août, la crainte d’attaques du Hezbollah et de l’Iran contre Israël. Il n’a pas été utilisé ces derniers mois, précise le quotidien israélien.

Un hôpital étendu dans un parking souterrain

Dans un autre registre, «les autorités israéliennes ont demandé à la population de stocker de la nourriture et de l’eau dans des salles sécurisées [la semaine dernière], écrit le quotidien américain The New York Times. Parallèlement, des équipes de secours ont été déployées dans les villes.» Le 5 août, le ministre de la Santé, Uriel Buso, a également organisé une évaluation de la préparation médicale avec les directeurs d’hôpitaux et les responsables des organismes de santé. Il s’est notamment assuré de l’extension des capacités de prise en charge dans des lieux sécurisés, intégrant tous types de soins, de l’orthopédie à la santé mentale. Des mutations amorcées bien avant les assassinats ciblés des chefs du Hamas et du Hezbollah par Israël, dans le cas du Rambam Health Care Campus de Haïfa, dans le nord du pays.

Le 18 juillet, l’autre journal new-yorkais Wall Street Journal consacrait un reportage à cet hôpital, le plus important du nord d’Israël, et probablement le plus fortifié au monde, selon son directeur, Michael Halberthal. Il explique que les trente-quatre jours de conflit contre le Hezbollah en 2006, durant lesquels 70 missiles ont atterri à proximité de l’hôpital, ont contribué à la conception d’installations souterraines, en vue d’un éventuel «conflit total» avec le mouvement islamiste chiite. Il se dit donc prêt aujourd’hui à prendre en charge des milliers de blessés de guerre. Sur le sol lustré de son parking, au niveau -3, des lits mobiles sont désormais calés entre les numéros de places de parking. Sous son plafond parcouru par d’énormes conduits de ventilations s’agencent quatre salles d’opération, une maternité et un centre de dialyse. Encastrés dans les murs, des stocks d’oxygène et des systèmes d’aspiration. Quant à la pharmacie, elle a des airs d’entrepôt de géants du commerce en ligne, avec ses palettes de pansements, seringues et médicaments déplacés par des chariots élévateurs.

Autre anticipation du ministère de la Santé, peu après l’assaut du 7 octobre dans le sud d’Israël : la centralisation et le déménagement, sous terre, de la banque nationale de sang d’Israël.

«Je suis calme et Nasrallah ne peut rien y faire»

Haïfa, ville portuaire de 280 000 habitants, risque, selon les abondantes prévisions, d’être la cible privilégiée des tirs de roquettes depuis le Liban voisin. De nombreux produits chimiques dangereux ont été retirés de la zone industrielle. L’usine de crème glacée a même été temporairement fermée en raison de ses réservoirs d’ammoniac, apprend-on dans un reportage du Times of Israël. En sus de ses 110 abris gérés par la municipalité, des centaines d’abris «privés, situés pour la plupart à l’intérieur d’immeubles résidentiels, sont disséminés dans la ville, offrant divers degrés de propreté et d’utilisabilité», note ce quotidien. Tout en relevant que des centaines d’habitants de Haïfa ont construit des «safe room», ou zones sécurisées, à leur domicile après le 7 Octobre. «Mon seul travail de préparation consiste à ne pas écouter, lire ou discuter des nouvelles, raconte Haim Mergashvili, gérant d’un magasin de fruits secs et de noix sur le marché. Je suis calme et Nasrallah ne peut rien y faire.»