Les sanctions de l’ONU contre l’Iran seront formellement rétablies ce samedi soir après l’échec des négociations entre les Européens, qui réclament des gages sur le programme nucléaire iranien, et Téhéran qui dénonce une décision illégale et rappelle ses ambassadeurs. Le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, groupe de pays appelés E3, ont déclenché fin août le mécanisme dit «snapback» qui permet dans un délai de trente jours de rétablir les sanctions levées en 2015 après l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA).
Après le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU et l’échec vendredi de la Russie et de la Chine à repousser la date butoir, de lourdes sanctions, allant d’un embargo sur les armes à des mesures économiques, seront rétablies dans la nuit de samedi à dimanche, sauf coup de théâtre de dernière minute. En protestation, l’Iran a rappelé samedi «pour consultations» ses diplomates en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, a rapporté la télévision d’Etat.
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«L’escalade nucléaire de l’Iran, détaillée dans plus de 60 rapports de l’AIEA [l’Agence internationale de l’énergie atomique, ndlr] ces six dernières années, est une menace à la paix et à la sécurité», a estimé vendredi l’ambassadrice britannique à l’ONU, Barbara Woodward, sans exclure que les sanctions puissent être à nouveau levées «à l’avenir». Des réunions au plus haut niveau se sont multipliées toute la semaine en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York pour tenter de trouver une solution diplomatique.
«Mauvaise foi»
Mais le trio européen a jugé que Téhéran n’avait pas fait les «gestes concrets». Les Européens avaient posé trois conditions : reprise des négociations avec les Etats-Unis ; accès des inspecteurs de l’AIEA sur les sites nucléaires sensibles de Natanz, Fordo et Ispahan, bombardés en juin par Israël et les Etats-Unis ; processus pour sécuriser le stock d’uranium enrichi.
Après avoir suspendu ses relations avec l’agence onusienne à la suite des attaques de juin, l’Iran avait accepté début septembre un nouveau cadre de coopération avec l’AIEA. Des inspections de certains sites nucléaires ont repris cette semaine, selon l’agence. Dans ce contexte, le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, a accusé Américains et Européens de «mauvaise foi», jurant que son pays ne céderait «jamais à la pression». Mais il a également laissé la porte ouverte aux négociations. Son président, Massoud Pezeshkian, a lui assuré que l’Iran ne quitterait pas le Traité de non-prolifération nucléaire en représailles.
Samedi, le chef de l’Etat iranien a affirmé que les Etats-Unis avaient exigé du régime qu’il leur remettre «tout» son uranium enrichi en échange d’une prolongation pour trois mois d’une suspension des sanctions, qualifiant cette requête d’«inacceptable» : «Dans quelques mois, ils auront une nouvelle exigence et diront [de nouveau] qu’ils veulent rétablir le snapback», a-t-il déclaré à la télévision d’Etat depuis New York, où il a assisté à l’Assemblée générale de l’ONU.
Les Iraniens jugent illégal le processus de rétablissement des sanctions, tout comme la Russie et la Chine. Moscou et Pékin ont sans succès proposé vendredi au Conseil de sécurité de l’ONU de prolonger de six mois l’accord sur le nucléaire iranien qui expire le 18 octobre, afin de donner plus de chances à la diplomatie.
«Nul et non avenu»
Dans ces conditions, des observateurs craignent que certains pays, notamment la Russie, décident de s’affranchir de la décision du Conseil de réimposer les sanctions. Une hypothèse qu’a d’ailleurs semblé suggérer vendredi l’ambassadeur adjoint russe à l’ONU, Dmitry Polyanskiy. «Il n’y a pas de snapback et il n’y aura pas de snapback. Toute tentative de ressusciter les résolutions anti-iraniennes du Conseil de sécurité en place avant 2015 est nulle et non avenue», a-t-il martelé après l’échec du vote.
Tribune
En 2015, France, Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Unis, Russie et Chine avaient conclu avec Téhéran un accord, prévoyant un encadrement des activités nucléaires iraniennes en échange d’une levée des sanctions. Les Etats-Unis, sous le premier mandat du président Donald Trump, ont décidé en 2018 de s’en retirer et de rétablir leurs propres sanctions.
L’Iran s’est ensuite affranchi de certains engagements, notamment sur l’enrichissement d’uranium. Les pays occidentaux soupçonnent l’Iran de vouloir se doter de l’arme atomique, tandis que Téhéran défend son droit à développer un programme nucléaire civil. L’Iran dispose toutefois de 450 kilos d’uranium enrichi à 60 %, un stock qui, s’il était enrichi jusqu’au niveau de 90 %, permettrait au pays de se doter de huit à dix bombes nucléaires, selon des experts européens. «L’Iran n’a jamais cherché et ne cherchera jamais à fabriquer une bombe atomique. Nous ne voulons pas d’armes nucléaires», a affirmé cette semaine à la tribune de l’ONU le président iranien.
Mise à jour à 12 h 19 avec les nouvelles déclarations de Massoud Pezeshkian.