L’un des derniers verrous a sauté. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’Iran ont annoncé lundi avoir trouvé un accord pour maintenir la surveillance des installations nucléaires iraniennes pendant un mois supplémentaire jusqu’au 24 juin. Le régime d’inspection, mesure clef de l’accord de 2015, a été mis à mal par une décision du Parlement iranien, qui a voté fin 2020 une loi obligeant le gouvernement à le suspendre, en représailles aux sanctions imposées par l’administration Trump.
«Les contours d’un accord final»
Le gendarme du nucléaire avait arraché en février un compromis permettant à l’AIEA de poursuivre, bon gré mal gré, sa mission de vérification : les inspecteurs n’auraient plus accès directement aux sites, mais les données enregistrées par les appareils de l’AIEA (vidéosurveillances, compteurs, etc.) leur seraient transmises après un délai de trois mois si les sanctions étaient levées, donc l’accord de 2015 est rétabli. La formule évitait que les installations tombent dans un «trou noir» en permettant de reconstituer a posteriori les activités sur ses sites pendant ces trois mois, assurant ainsi une «continuité du savoir» chère aux artisans du JCPOA (le sigle en anglais de l’accord sur le nucléaire).
Tous, dont les Russes et les Chinois, avaient pressé l’Iran de trouver une solution à l’approche de la date butoir du 22 mai. Si cet arrangement technique apparaît comme un pis-aller, il permet surtout de ne pas faire dérailler les discussions âpres qui ont démarré début avril à Vienne pour ressusciter l’accord de 2015. Les délégations européennes (allemande, britannique et française, ainsi que le chef de la diplomatie de l’UE) y font la navette entre Iraniens et Américains, qui ne se parlent pas directement. A l’issue de la quatrième session, du 7 au 20 mai sans interruption, des «progrès tangibles» ont été accomplis d’après des hauts responsables européens. Ils décrivent une «atmosphère constructive» de la part de l’ensemble des participants.
«Les contours de ce que pourrait être un accord final» commencent à apparaître, ajoutent les mêmes sources. Mais tout n’est pas fait car l’équation ne se résume pas à l’expression de bonnes volontés. Sur le papier, l’affaire tient en une phrase. Chacun veut de nouveau tirer les bénéfices du JCPOA : pour l’Iran, obtenir la levée des sanctions comme le prévoyait le compromis de Vienne ; pour les autres signataires, limiter son programme nucléaire de sorte que l’Iran ne puisse pas obtenir, en moins d’un an, suffisamment de matière enrichie pour fabriquer une bombe (le «breakout time», dans la langue des négociateurs).
Dispositions spécifiques dans un accord rénové
Mais les quatre ans de mandat de l’administration Trump ont laissé des traces, des deux côtés. Que faire des entités iraniennes doublement sanctionnées, au titre des activités nucléaires et d’un autre motif, comme l’ingérence électorale ou la lutte contre le terrorisme ? Si les sanctions sur le nucléaire sont levées, rien ne changera dans les faits pour ces organisations ou personnalités toujours inscrites sur une liste noire. C’est manifestement un point d’achoppement.
Le casse-tête n’est pas moins simple côté iranien : que faire, par exemple, des centrifugeuses mises en production au-delà du seuil fixé par le JCPOA ? Les sortir simplement du circuit pourrait malgré tout avoir un effet sur le «breakout time». Et même leur destruction ne résoudrait pas tout : les savoir-faire acquis ne s’évaporeront pas par magie. Il faudra donc sans doute refaire des calculs d’apothicaires pour savoir combien de centrifugeuses, de quels modèles, l’Iran peut disposer.
Téhéran a aussi progressé dans la conception d’uranium métal, un matériau qui entre dans la composition d’une arme. Les négociateurs européens souhaitent donc intégrer des dispositions spécifiques dans un accord rénové. Une fois toutes les mesures mises sur la table, se posera la question du «séquençage» : qui fait quoi, quand, avec quels moyens de vérifier ?
Si ces étapes sont accomplies avec succès, ce que toutes les délégations, y compris iranienne, semblent souhaiter, l’accord de 2015 sera alors ressuscité, ou du moins sa philosophie générale. Ce compromis de 2021 constituera quasiment un nouveau texte, que les Européens et les Etats-Unis veulent par la suite compléter par des discussions sur sa durée de vie et plus largement sur la politique régionale de l’Iran. Des nouvelles négociations qui s’annoncent plus difficiles encore.