Agenouillé au fond d’une tombe, un homme retient puis dépose, à la force de ses bras crispés par le froid, un lourd cercueil recouvert d’un tissu rouge. Il empoigne à pleines mains de la glaise amassée au bord de la fosse, en dégage quelques cailloux et dissémine une première couche de terre sur la caisse en bois. Autour de lui, non loin des dernières rangées du cimetière des Combattants de Kobané, une foule compacte se détache sur les plaines rêches et désolées du nord-est de la Syrie, que les rayons blancs du soleil d’hiver peinent à réchauffer. Une jeune femme en treillis, l’épaule lestée d’une kalachnikov, distribue de petites cartes plastifiées sur lesquelles apparaissent les portraits des six soldats pour qui ces funérailles sont organisées. Il n’en reste plus assez pour un jeune garçon, qui se met alors à pleurer. «Ne t’inquiète pas, lui glisse doucement sa mère l’oreille. Dès demain, tu trouveras de nouvelles cartes avec de nouveaux visages.»
Depuis le 6 décembre, les Forces démocratiques syriennes (FDS) prokurdes, aux commandes sur le territoire de l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie, tentent de résister à l’offensive «Aube de la liberté», lancée par l’Armée nationale syrienne sur la ville stratégique de Manbij et ses alentours, à 60 kilomètres au sud de Kobané. Soutenue par l’aviation turque, cette coalition