Coincés derrière une ambulance garée à l’ombre d’un pin décharné, quelques hommes tentent péniblement de consigner leur nom sur une feuille volante. Tout autour, un dédale de tentes de fortune à peine montées s’étale sur le sol ocre et caillouteux de l’ancien stade de Tabqa. C’est sur cette ville frontière au cœur de la Syrie que viennent butter les territoires tenus par le nouveau gouvernement syrien, à l’Ouest, et ceux toujours sous la houlette de l’administration pro-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), à l’Est. Au loin, un convoi militaire flanqué de drapeaux russes file vers les derniers points de repli.
«Nous essayons de nous inscrire pour recevoir nos salaires», commente sobrement Agir, un symbole du yin et du yang tatoué sur le cou, à peine dissimulé par le col d’une polaire noire. «Nous sommes tous des soldats kurdes des FDS. Nous étions sur la ligne de front, à Shehba, reprend-il, mais nous avons reçu l’ordre de nous retirer face aux attaques de l’Armée nationale syrienne, et nous sommes partis avec toute la population en emportant avec nous les corps