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Diplomatie

Syrie : avec Jean-Noël Barrot et Annalena Baerbock, Paris et Berlin font leur chemin de Damas

Les ministres français et allemande des Affaires étrangères ont rencontré ce vendredi 3 janvier le nouveau leader syrien Ahmed al-Charaa à Damas. Jean-Noël Barrot a visité l’ambassade française, confirmant sa réouverture prochaine.
Jean-Noël Barrot et Annalena Baerbock lors de leur visite de la prison de Saydnaya, le 3 janvier. (Anwar Amro /AFP)
publié le 3 janvier 2025 à 9h12
(mis à jour le 3 janvier 2025 à 15h05)

Le ballet des chancelleries se poursuit à Damas. Jean-Noël Barrot et son homologue allemande Annalena Baerbock sont en visite, vendredi 3 janvier, à Damas, où ils ont rencontré le dirigeant syrien Ahmed al-Charaa. Poignée de main pour le Français, pas pour l’Allemande, que le leader a salué d’un geste de la main sur le cœur. C’est la première visite à ce niveau de responsables des grandes puissances occidentales aux nouvelles autorités syriennes dont les premiers pas sont scrutés avec attention. Le chef de la diplomatie française est arrivé vendredi matin, où Annalena Baerbock l’a rejoint pour cette visite «sous mandat de l’Union européenne», a-t-elle indiqué.

«Ensemble, la France et l’Allemagne se tiennent aux côtés du peuple syrien, dans toute sa diversité», a écrit vendredi sur le réseau social X le ministre français des Affaires étrangères. Il a souligné que les deux pays voulaient «favoriser une transition pacifique et exigeante au service des Syriens et pour la stabilité régionale». «Mon voyage d’aujourd’hui, avec mon homologue français et au nom de l’UE, est un signal clair adressé aux Syriens : un nouveau départ politique entre l’Europe et la Syrie, entre l’Allemagne et la Syrie est possible», a dit pour sa part l’écologiste allemande. «C’est avec cette main tendue, mais aussi avec des attentes claires à l’égard des nouveaux dirigeants, que nous nous rendons aujourd’hui à Damas.»

Rencontre avec des dignitaires chrétiens et visite de Saydnaya

Jean-Noël Barrot a entamé sa visite par une rencontre avec les représentants religieux de la communauté chrétienne, inquiète de l’arrivée des islamistes au pouvoir. Il y a partagé son espoir d’«une Syrie souveraine, stable et apaisée». «C’est un espoir réel, mais c’est un espoir fragile.» Les deux ministres se sont ensuite rendus à la prison de Saydnaya, près de Damas, symbole de la répression de masse du pouvoir de Bachar al-Assad. Accompagnés par des membres des Casques blancs, des secouristes syriens, ils ont visité des cellules et des geôles souterraines où les conditions de détention étaient inhumaines et où de nombreux détenus sont morts sous la torture.

Des dirigeants de nombreux pays arabes ou occidentaux se précipitent à Damas depuis la chute de Bachar al-Assad, rompant l’isolement qui a été imposé à la Syrie depuis qu’il a réprimé dans le sang un soulèvement populaire en 2011. La France avait déjà dépêché le 17 décembre des émissaires auprès des nouvelles autorités et le drapeau tricolore flotte désormais sur son ambassade, fermée en 2012, et dont le ministre a réaffirmé «la nécessité de travailler à la réouverture de la représentation diplomatique en fonction de l’évolution des conditions politiques et sécuritaires», selon une source diplomatique. La France préparera, «de façon graduelle et conditionnée, les modalités de son retour en Syrie», a précisé la même source dans la matinée. L’Allemagne, dont l’ambassade est également fermée depuis 2012, avait envoyé des émissaires le même jour, afin de nouer des contacts avec les autorités de transition, dont les premiers pas au pouvoir sont observés avec prudence.

Soutien mais «scepticisme»

«Nous voulons les soutenir dans ce domaine : dans un transfert de pouvoir inclusif et pacifique, dans la réconciliation de la société, dans la reconstruction», a dit Annalena Baerbock depuis Damas. «Nous continuerons à juger HTS sur ses actes», «en dépit de notre scepticisme». Face au défi d’unifier le pays, Ahmed al-Charaa s’est engagé à dissoudre les factions armées, notamment le groupe HTS, qui affirme avoir rompu avec le jihadisme. Il a annoncé son intention de convoquer un dialogue national, sans en préciser la date ni qui y serait convié, et indiqué que l’organisation d’élections dans son pays pourrait prendre quatre ans.

Les deux ministres doivent enfin rencontrer des représentants de la société civile, réprimée par le pouvoir d’Assad et marginalisée. Alors que la guerre a fait plus d’un demi-million de morts, causé la fuite de millions de personnes, morcelé et ravagé le pays, Ahmed al-Charaa réclame une levée des sanctions internationales qui étaient imposées au pouvoir de Bachar al-Assad. Son groupe, HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé «terroriste» par plusieurs capitales occidentales, notamment Washington. La France doit accueillir en janvier une réunion internationale sur la Syrie, qui intervient après une réunion similaire en décembre de ministres et responsables américains, européens, arabes et turcs.

Mise à jour avec les premiers propos de Jean-Noël Barrot à son arrivée puis à 14h51 avec la rencontre entre les deux ministres et Ahmed al-Charaa