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Progression

Syrie : les rebelles ciblent Hama après Alep, le régime Assad promet une «contre-attaque»

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Des combattants du groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Sham sont entrés samedi soir dans la ville d’Hama, sur la route en direction de Damas. Affaibli, le régime d’Al-Assad reconnaît un retrait «temporaire» et dit préparer une contre-offensive.
Un rebelle décrochait un portrait de Bachar al-Assad à Alep, samedi 30 novembre 2024. (Mohammed Al-Rifai/AFP)
publié le 30 novembre 2024 à 21h54
(mis à jour le 1er décembre 2024 à 9h06)

La situation en Syrie s’accélère à une vitesse folle. Alors que les rebelles du groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Sham se sont emparés de la majeure partie d’Alep, deuxième ville et poumon économique du pays, dans la nuit de vendredi à samedi, ceux-ci auraient également pénétré dans la ville de Hama, à 140 km au sud de la cité alépine, samedi 30 novembre au soir. «Il n’y a pas sur place de confrontation avec les forces du régime, qui se retirent», confirme Ayman Abdel Nour, ancien conseiller d’Al-Assad passé à l’opposition et exilé aux Etats-Unis.

Karam Shaar, chercheur pour le think tank américain New Lines Institute, évoque un «état de panique» et «une avancée contre les forces du régime qui se fait à un rythme vraiment inattendu pour tout le monde». «Celui-ci pourrait s’effondrer en quelques jours, avance le chercheur alépin. Il est évident que les acteurs clés réalisent maintenant que combattre n’en vaut pas la peine. Je pensais que Damas et les villes de la côte comme Lattaquié et Tartous [fiefs du régime] seraient de l’objet d’âpres batailles, mais tout semble incertain.»

Samedi, dans sa première reconnaissance publique de l’offensive en cours, l’armée syrienne a déclaré que des dizaines de ses soldats avaient été tués ou blessés dans «une vaste attaque» menée par des «organisations terroristes». L’armée du régime Al-Assad a annoncé un «retrait temporaire des troupes» d’Alep, tout en affirmant que ses bombardements avaient empêché les rebelles d’établir dans la ville des positions fixes. L’armée assure enfin regrouper et redéployer des troupes pour renforcer ses lignes de défense et préparer une «contre-attaque». Plusieurs sources ont notamment fait état dans la nuit de samedi à dimanche de renforts militaires déployés dans la ville de Hama.

Des combats signalés dans le sud

Sur X, Charles Lister, expert au Middle East Institute (MEI), fait également état de combats entre les rebelles de l’opposition et les forces loyalistes «dans plusieurs régions de Deraa et Homs», deux villes encore plus au sud. Homs se situe à seulement 180 km de Damas. La ville de Deraa, qui a craqué l’allumette permettant à la révolution de 2011 de débuter, jouxte quant à elle la Jordanie. Les combattants sur place sont des factions de l’ancienne opposition.

Sur la chaîne Telegram désignée par le nom de l’opération militaire du groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Sham, «dissuasion de l’agression», où les combattants partagent les avancées, une publication accompagnée d’une photo faisait état à 20 heures d’un drone armé «ciblant des milices d’Assad en retrait de l’autoroute internationale Homs-Damas». Indiquant, donc, que ceux-ci sont en route vers la capitale.

Des tirs à Damas

A côté de ces avancées spectaculaires, plusieurs sources ont également évoqué samedi soir des coups de feu dans la capitale syrienne. «Des combats internes au régime sont confirmés à Damas, avance Charles Lister. Des informations (et des images) largement répandues font état d’affrontements dans le centre de Damas, y compris en dehors du Four Seasons, au milieu d’allégations de coup d’État.» Cet hôtel, un des plus luxueux de Syrie, est situé au centre de la capitale, à côté du jeser al-raïs, le pont du président. Autour de ce bâtiment, se situent les sièges des différents services de renseignement.

Sortant de son silence après trois jours d’offensive fulgurante contre son régime, Bachar al-Assad a déclaré samedi soir que son pays était capable «de vaincre les terroristes», selon un communiqué. «La Syrie continue de défendre sa stabilité et son intégrité territoriale face à tous les terroristes et leurs soutiens», aurait-il déclaré lors d’un échange téléphonique avec son homologue émirati, alors que des rumeurs de coup d’Etat bruissaient sur les réseaux sociaux.

Plusieurs sources avançaient que le dictateur, qui a rencontré Vladimir Poutine à Moscou jeudi 28 novembre, selon l’agence de presse iranienne Mehr, était resté en Russie. Selon Charles Lister, il a fait son retour samedi à Damas, «où il a passé des heures à appeler les gouvernements du Moyen-Orient qui ont normalisé leurs relations avec lui en 2023 pour leur demander leur soutien dans la ″lutte contre le terrorisme″. Un geste désespéré.»

La communauté internationale attentive

L’offensive éclair des rebelles syriens, qui a fait depuis mercredi plus de 320 morts dont une quarantaine de civils selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), a suscité de nombreuses réactions internationales. Allié historique de Damas, l’Iran, qui a dénoncé une attaque «terroriste» contre son consulat à Alep, a annoncé la visite ce dimanche en Syrie de son chef de la diplomatie, Abbas Araghchi, attendu ensuite en Turquie pour des «concertations sur les questions régionales, en particulier les récents développements».

Téhéran a en outre appelé à une «coordination» avec la Russie, l’autre parrain du régime Al-Assad, pour faire face à cette offensive. Abbas Araghchi s’est entretenu samedi avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. «Les ministres sont convenus de la nécessité d’intensifier les efforts conjoints visant à stabiliser la situation en Syrie», a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères.

Dans un communiqué, la France a déclaré suivre «avec attention les développements militaires» en Syrie, exhorté toutes les parties à «protéger les populations civiles» et appelé à «parvenir enfin à une solution politique» pour mettre fin à treize ans de guerre civile en Syrie.

Enfin à Washington, la Maison Blanche a suggéré que la dépendance de Bachar al-Assad à l’égard de Moscou et Téhéran avait ouvert la voie à la perte d’Alep. «Le refus persistant du régime d’Assad de s’engager dans le processus politique [prévu par l’ONU en 2015, ndlr] et sa dépendance à la Russie et à l’Iran ont créé les conditions pour les événements en cours», a déclaré un porte-parole du Conseil de sécurité nationale dans un communiqué. Les Etats-Unis n’ont rien à voir avec cette offensive menée par «une organisation terroriste désignée», ajoute le texte, appelant à la «désescalade» et à «un processus politique sérieux et crédible».

Mis à jour : ce dimanche 1er décembre à 09h05 avec l’ajout de contexte, communiqué de l’armée syrienne et réactions internationales.