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Libération
Tensions

Syrie : Israël bombarde aux abords du palais du président Charaa, accusé de violences contre les Druzes

La minorité religieuse visée par des attaques depuis mardi accuse le pouvoir de Damas d’être à l’origine des heurts. En soutien, l’Etat hébreu a frappé Damas ce vendredi 2 mai à l’aube.
Un avion de chasse israélien aperçu en train de tirer une roquette alors qu'il survole une zone proche de Damas, le 30 avril 2025. Les médias d'Etat syriens ont affirmé qu'Israël avait mené des frappes à aux abords de la capitale syrienne, où des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes avaient éclaté la nuit précédente. (Bakr Alkasem/AFP)
publié le 2 mai 2025 à 8h05
(mis à jour le 2 mai 2025 à 19h38)

Israël a mis ce vendredi 2 mai sa menace à exécution contre la Syrie en bombardant les abords du palais présidentiel à Damas après que le chef de la minorité druze, protégée par le pouvoir israélien, a accusé le pouvoir du nouveau président syrien, Ahmed al-Charaa, de «génocide».

Le plus influent chef religieux druze en Syrie, cheikh Hikmat al-Hajrin, venait de dénoncer jeudi soir une «campagne génocidaire injustifiée» visant des «civils» de sa communauté, après des affrontements confessionnels en début de semaine qui ont fait plus de 100 morts, selon une ONG.

Ces combats ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un message audio attribué à un Druze et jugé blasphématoire à l’égard du prophète Mahomet. L’AFP n’a pas pu vérifier l’authenticité du message. Les autorités syriennes, elles, ont accusé des éléments échappant à son contrôle d’avoir provoqué les violences.

Le chef religieux druze a pour sa part réclamé «une intervention immédiate de forces internationales». «Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement. […] Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, en prétendant que ce sont des éléments incontrôlés», a dénoncé ce dernier.

Juste après avoir menacé de répondre «avec force» si Damas ne protégeait pas la minorité religieuse, Israël – voisin de la Syrie avec laquelle il est en état de guerre et qui a pris fait et cause pour les Druzes – a lancé son attaque ce vendredi à l’aube. «Des avions de combat ont frappé les environs du palais» présidentiel à Damas, a confirmé l’armée israélienne sur Telegram.

«C‘est un message clair envoyé au régime syrien. Nous ne permettrons pas que des forces [syriennes] soient dépêchées au sud de Damas ou menacent de quelque manière que ce soit la communauté druze», ont martelé dans un communiqué Benyamin Nétanyahou et son ministre de la Défense, Israël Katz.

Spectre des massacres de mars

Le secrétaire général de l’ONU «condamne les violations par Israël de la souveraineté de la Syrie, y compris les frappes aériennes près du palais présidentiel à Damas. Il est essentiel que ces attaques cessent et qu’Israël respecte la souveraineté, l’unité, l’intégrité territoriale et l’indépendance de la Syrie», a déclaré le porte-parole d’António Guterres vendredi soir. La diplomatie américaine a pour sa part fustigé «les dernières violences et la rhétorique incendiaire» antidruzes «répréhensibles et inacceptables».

Des combats cette semaine à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des Druzes, ainsi qu’à Soueïda, ville à majorité druze, ont réveillé le spectre des massacres qui avaient fait plus de 1 700 morts début mars, en grande majorité des membres de la minorité alaouite, dans l’ouest du pays.

Ces violences avaient été déclenchées par des attaques de militants pro-Assad contre les forces de sécurité du nouveau pouvoir. Mercredi déjà, l’armée israélienne avait frappé près de Damas, en forme «d’avertissement» contre un «groupe extrémiste qui se préparait à attaquer la population druze de la ville de Sahnaya», selon Benyamin Nétanyahou.

Ces heurts à proximité et au sud de Damas entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite du président Ahmed al-Charaa illustrent l’instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement de son prédécesseur, Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.

«Nous sommes une partie inaliénable de la Syrie», a souligné un porte-parole du rassemblement des autorités religieuses, chefs traditionnels et groupes armés druzes à Soueïda, ajoutant que la communauté rejetait «toute division» du pays. Les Druzes, minorité de l’islam chiite, sont répartis entre le Liban, la Syrie et Israël.

«Protéger toutes les composantes du peuple syrien»

Selon un bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), ces affrontements ont fait 102 morts, dont 30 membres des forces de sécurité et combattants affiliés, 21 combattants druzes et 11 civils à Jaramana et Sahnaya. Dans la province de Soueïda, 40 combattants druzes ont péri, dont 35 dans une embuscade, d’après l’ONG.

A Jaramana, des accords entre représentants des Druzes et du pouvoir avaient permis de rétablir le calme mardi soir, de même mercredi soir à Sahnaya à 15 km au sud-ouest de Damas où des forces de sécurité ont été déployées. Et le pouvoir syrien avait réaffirmé son «engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze».

Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par Charaa après plus de treize ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d’ouverture envers les Druzes, cherchant, selon l’analyste indépendant Michael Horowitz, à se ménager des alliés dans le Sud syrien à un moment où l’avenir de ce pays reste incertain.

Mise à jour à 19 h 38 avec la réaction de l’ONU.