Menu
Libération
Profil

Syrie : Mohammed al-Bachir, le Premier ministre de la transition

Gouverneur de la ville d’Idlib, bastion des rebelles islamistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l’ingénieur a été nommé mardi 10 décembre à la tête d’un gouvernement transitoire jusqu’au 1er mars 2025, avant le lancement d’un «processus constitutionnel».
Mohammed al-Bachir lors d'une conférence de presse à Idlib le 28 novembre 2024. (Omar Haj Kadour/AFP)
publié le 10 décembre 2024 à 14h23
(mis à jour le 10 décembre 2024 à 14h42)

Sa désignation comme Premier ministre d’un gouvernement de transition a été révélée mardi, via un communiqué officiel diffusé par la télévision syrienne. Mohammed al-Bachir, ingénieur de 41 ans, a en réalité été adoubé la veille par Abou Mohammed al-Joulani, le leader des rebelles islamistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), lors d’une séquence abondamment relayée sur les réseaux sociaux. On le voit assis en costume cravate à la droite de son patron, face à l’ex-Premier ministre de Bachar al-Assad pour «coordonner la transition du pouvoir» dans un pays meurtri et fracturé par treize ans de guerre. Une manière de l’asseoir dans le paysage.

Celui qui a commencé sa carrière au sein de la Syrian Gas Company avant d’obtenir un diplôme en droit civil et islamique assurera ses fonctions jusqu’au 1er mars 2025, date à laquelle seront lancés un «processus constitutionnel» et la formation d’un «nouveau gouvernement». S’il a été choisi, c’est justement parce que Mohammed al-Bachir a dirigé le «gouvernement de salut» du bastion rebelle d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, sa région natale, d’où est partie l’offensive éclair du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham, qui a fait chuter Bachar al-Assad dimanche. Un signal, ici encore, envoyé pour montrer le côté pragmatique et opérationnel du groupe. «Certes, la région d’Idlib est petite et manque de ressources, mais grâce à Dieu, elle a pu accomplir beaucoup au cours de la période passée, déclarait Al-Joulani lundi lors de la rencontre. Les jeunes ont acquis une expertise très importante, alors qu’ils sont partis de rien.»

Copié-collé de son équipe à Damas

Doté de ses propres ministères et de ses propres autorités judiciaires et de sécurité, le gouvernement du salut avait été mis en place en 2017 pour aider les habitants de la zone contrôlée par les rebelles, coupés des services du régime. L’aide a depuis été déployée à Alep, première grande ville à tomber, où Bachir s’est rendu le 4 décembre pour superviser l’ouverture de nouveaux bureaux. Selon le quotidien syrien Enab Baladi, son gouvernement sera formé des ministres qui opéraient autour de lui à Idlib, copié-collé parfait de son équipe à Damas. «Une session a eu lieu [mardi] avec le gouvernement du régime déchu pour transférer les institutions et remettre les dossiers de ce dernier au nouveau gouvernement syrien», poursuit le journal.

Si le leader de HTS, Al-Joulani, a placé à ce poste sensible un de ses proches, au risque d’en faire un homme lige, c’est parce que la marche est haute. «Le modèle de gouvernance du groupe, en pleine évolution, pourrait être dépassé par des changements territoriaux rapides et des responsabilités croissantes, observe sur X Haid Haid, consultant auprès du think-tank Chatham House, pointant de “sérieuses questions” sur sa faculté à diriger un tel gouvernement. L’un des principaux défis auxquels HTS est aujourd’hui confronté est que, avec l’effondrement du régime, la population risque de ne plus lui accorder la même tolérance qu’elle avait par peur d’Assad. Sa capacité à les protéger était essentielle à sa légitimité – cette dynamique est en train de changer.» Les groupes locaux rebelles qui se sont libérés seuls de l’emprise du despote, comme à Deraa au sud, pourraient ne pas reconnaître sa légitimité, même pour expédier les affaires courantes. Et conduire de facto à un morcellement du pays.