Ils seront six, vendredi soir, à porter les couleurs de la Syrie de Bachar al-Assad à la cérémonie d’ouverture des JO à Paris. Six athlètes, vitrine de la dictature du «boucher de Damas», cœur d’une délégation de 20 personnes en tout. La nouvelle a été annoncée mardi 23 juillet par Alaa Khojaji, membre du bureau exécutif de la Fédération générale des sports syriens et chef de ladite délégation, lors d’une conférence de presse organisée dans la capitale syrienne.
Les deux premiers, tous deux fidèles du régime, l’haltérophile Man Asaad et le cavalier Amre Hamsho, ont réussi à se qualifier par la voie classique, via les fédérations internationales de leurs disciplines. Sous sanctions américaines, ce dernier n’est autre que le fils de Mohammed Hamsho, magnat de l’acier et du BTP, placé dès le début de la révolution sur la liste des personnes sanctionnées par les Etats-Unis et l’Union européenne. Hamsho père est également un intime de Maher al-Assad, le frère cadet de Bachar al-Assad.
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Les quatre autres sportifs en lice ont, eux, «reçu une invitation à participer du Comité international olympique», selon l’agence de presse chinoise Xinhua – une procédure qui permet de repêcher certains athlètes au nom de l’universalisme olympique. Il s’agit du judoka Hasan Bayan, du nageur Omar Abbas, qualifié pour le 200 mètres nage libre, du gymnaste Laith Najjar chez les moins de 73 kg, et de la sprinteuse Elissar Youssef pour le 100 mètres. Cette dernière portera le drapeau syrien lors de la cérémonie d’ouverture, aux côtés du cavalier Amre Hamsho.
Un criminel de guerre banni
Tous sont régulièrement mis en avant par l’agence de presse officielle Sana, qui comptabilise leurs performances dans des compétitions sur la scène nationale, mais aussi internationale, manière de vanter la normalité de leur quotidien dans un pays détruit par treize ans de guerre, où rien n’est normal. En Syrie, exercer un sport de haut niveau ne peut se faire qu’avec l’aval du pouvoir. «C’est un pays très corrompu, dirigé par une élite favorisant ceux qui sont proches d’elle au niveau politique, mais aussi dans le domaine de l’art et du sport, rappelait mi-juin Karam Shaar, chercheur pour le think tank américain New Lines Institute, à Libération. Etre aligné idéologiquement avec celle-ci aide toujours.»
Si, aux JO, les concurrents ne sont pas là pour représenter un régime politique, la venue à Paris de cette délégation est tout sauf anodine. La participation de la Syrie à cette olympiade – la quinzième depuis 1948 – est une aubaine pour Al-Assad, ravi d’utiliser le sport comme soft power pour orchestrer un peu plus sa tentative de retour sur la scène internationale. Le chef de la délégation syrienne, Alaa Khojaji, a rappelé dans cette veine que le pays comptait bien «obtenir des médailles d’or» en équitation, en l’occurrence en saut d’obstacles, et en haltérophilie chez les plus de 109 kilos, afin de briller à la face du monde.
De quoi faire bondir les opposants au régime, dont le cœur se soulèvera sans aucun doute vendredi soir, lorsqu’ils verront le drapeau officiel, deux étoiles vertes sur fond blanc entourées d’une bande rouge et d’une bande noire, s’élever non loin de la tour Eiffel. Plusieurs activistes ont toutefois gagné une bataille cette semaine, lorsque le CIO leur a assuré que le criminel de guerre Omar Aroub, membre du comité national paralympique syrien, «n’était pas sur la liste des gens accrédités aux JO».
«Les atrocités d’Al-Assad continuent»
L’épilogue d’une intense campagne de lobbying menée par l’ONG Syria Campaign depuis la mi-juin, date à laquelle elle a entamé ses échanges avec le Syrian British Consortium, chargé d’enquêter sur les crimes de guerre du régime. «Cette structure a réussi à prouver que l’Union nationale des étudiants syriens avait arrêté et torturé des gens pendant la révolution et qu’Omar Aroub était un des leaders, souligne Ranim Ahmed, de l’ONG Syria Campaign. Or, celui-ci avait participé aux JO de Tokyo, il était attendu en juillet à Paris, après avoir effectué une première visite dans la capitale française en septembre. C’était une honte. Nous avons donc lancé une pétition pour qu’il soit banni des JO, qui a réuni plus de 7 500 signatures.» Jusqu’à recevoir ce fameux mail du CIO en forme de délivrance.
L’activiste Ranim Ahmed ne décolère pas pour autant. «Amre Hamsho sera là, lui, et c’est une honte de voir des criminels de guerre à Paris, rage-t-elle. Les atrocités d’Al-Assad continuent, ce n’est pas du passé. Il utilise des événements internationaux comme les COP ou les Jeux olympiques pour polir son image et se laver de ses crimes. Le monde ne devrait pas être d’accord avec cela.»