Le rituel est désormais connu. Après avoir exhibé les trois otages israéliens sur une estrade à Deir el-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le Hamas les a remis à la Croix-Rouge, ont constaté des journalistes de l’AFP sur place. Encadrés par des hommes armés et masqués, Or Levy, Eli Sharabi et Ohad Ben Ami, les traits tirés et très amaigris, avaient été contraints de s’exprimer en hébreu devant une foule de badauds. Ils sont arrivés en Israël, a annoncé l’armée israélienne, vers 11 heures (heure française).
Selon un journaliste de l’AFP, les premiers des 183 prisonniers palestiniens devant être libérés ce samedi dans le cadre de l’accord sont arrivés à Ramallah, en Cisjordanie occupée. Parmi ceux devant être libérés, 18 sont condamnés à perpétuité, 54 à de lourdes peines et 111 ont été arrêtés dans la bande de Gaza après le 7 octobre, selon l’ONG Club des prisonniers palestiniens. Le premier groupe arrivé - au sein duquel certains semblaient en mauvaise santé - a été accueilli dans le fief de l’Autorité palestinienne par une foule en liesse, rassemblée depuis le matin.
Vendredi, le Hamas avait publié les noms de trois otages israéliens libérables samedi 8 : Eli Sharabi, 52 ans, Ohad Ben Ami, 57 ans, et Or Levy, 34 ans. «Les Brigades Ezzedine al-Qassam ont décidé de libérer (les otages) demain, samedi», indiquait sur Telegram leur porte-parole, Abou Obeida, avant de décliner leurs identités. Il s’agit du cinquième échange depuis l’entrée en vigueur de la trêve le 19 janvier. Israël a confirmé avoir reçu la liste, au bout d’une semaine marquée par les déclarations de Donald Trump sur la «prise de contrôle» du territoire. En échange de ces trois otages, 183 prisonniers palestiniens seront libérés, a annoncé le Club des prisonniers palestiniens à l’AFP.
Ohad Ben Ami, une famille à nouveau réunie
Cet Israélo-allemand de 57 ans avait été enlevé, aux alentours de 10 heures le 7 Octobre, avec sa femme, Raz Ben Ami, chez eux dans le kibboutz Beeri. Cette dernière, libérée le 29 novembre 2023 dans le cadre de la première trêve négociée, souffrait d’une maladie grave. Il lui aura fallu attendre plus d’un an avant de pouvoir retrouver son mari. Lors de leur enlèvement, dans un dernier message sur WhatsApp à sa famille, Ohad avait écrit «Shema Yisrael, ils sont là», citant la prière juive prononcée par Moïse aux enfants d’Israël peu avant sa mort, rapporte le Times of Israel. Deux semaines plus tard, une photo du quinquagénaire était apparue sur les réseaux sociaux, le montrant en tee-shirt et en sous-vêtements, traîné par un membre du Hamas. Sa fille s’était exprimée tout récemment, vendredi 24 janvier : «Depuis que mes parents ont été enlevés, je ne vis plus et je n’ai pas encore entamé de thérapie. J’ai peur de commencer, de tout ouvrir, sans être capable de tout comprendre.» Elle a ajouté qu’un thérapeute lui avait dit, il y a peu, qu’elle s’occuperait de tout cela une fois que son père serait libéré. C’est désormais possible.
Eli Sharabi, veuf et père endeuillé
Le 7 Octobre, les terroristes du Hamas débarquent chez cet Israélien de 51 ans, dans le kibboutz Beeri, où il vit avec sa femme et ses deux filles. Les hommes armés abattent leur chien, puis mettent le feu à la maison. Eli est enlevé par le Hamas. Grâce aux prélèvements d’ADN et de dents, les corps de son épouse Lianne et de ses deux filles, Noya, 16 ans, et Yahel, 13 ans, ont pu être identifiés. «Eli reviendra et apprendra que sa femme et ses filles ont été assassinées le 7 Octobre», s’est ému le 25 janvier dernier sur CNews son frère, Sharon Sharabi. Un autre de ses frères, Yossi Sharabi, également capturé par le Hamas, aurait été tué dans l’effondrement d’un bâtiment à Gaza, bombardé par l’armée israélienne.
Or Levy, veuf et jeune papa
Or Levy, 34 ans, venait d’arriver sur les lieux du festival Nova, à 6 h 20, lorsque le Hamas a lancé son attaque meurtrière, dix minutes plus tard, le 7 octobre 2023. Il était en compagnie de sa femme, Eynav Levy. Le couple faisait tout ensemble depuis 14 ans, revenant récemment d’un voyage en famille en Thaïlande. Ils se réfugient, comme Eliya Cohen et sa petite amie Ziv, dans un abri anti-missile du kibboutz voisin. Les grenades lancées par le Hamas tuent sa femme, Eynav, 32 ans. Or est kidnappé aux côtés de Hersh Goldberg-Polin et d’Eliya Cohen, qui ont été aperçus dans une vidéo en train d’être emmenés à Gaza par le Hamas, brutalement embarqués à bord d’un pick-up. Or et Eynav avaient un petit garçon, Almog Levy, aujourd’hui âgé de 3 ans. «Comment peut-on dire à un enfant de deux ans qu’il ne verra plus sa mère ? Que son père a disparu et que nous le cherchons ?», demandait alors Michael Levy, le frère aîné d’Or. «Il ne cesse de les appeler.» Or Levy était ingénieur en informatique et avait appris tout seul à programmer. «Toujours heureux, souriant», relate son frère.
Polémique autour des dépouilles des otages décédés
Plus tôt vendredi, le Hamas avait accusé Israël d’empêcher l’entrée dans la bande de Gaza d’équipements lourds jugés nécessaires pour pour extraire les corps d’otages israéliens morts durant leur captivité. «Empêcher l’entrée des équipements lourds et des machines nécessaires pour retirer 55 millions de tonnes de débris […] va sans aucun doute affecter la capacité de la résistance à extraire les (otages) morts sous les bombardements de l’occupation», avait affirmé Salama Marouf, un porte-parole du bureau des médias du Hamas, à Gaza.
Sur les 33 otages devant être libérés lors de la première phase de l’accord de trêve entre Israël et le Hamas, (contre 1 900 détenus palestiniens), l’armée israélienne a indiqué qu’au moins huit étaient décédés, mais sans publier de liste. Le Hamas affirme qu’ils ont été tués pendant la guerre par des bombardements israéliens. Le mouvement avait ainsi annoncé fin 2023 la mort de Shiri Bibas et de ses deux fils, Ariel et Kfir, tous enlevés le 7 octobre 2023 au kibboutz Nir Oz, à la lisière de la bande de Gaza.
Kfir est le plus jeune des 251 otages enlevés ce jour-là, alors âgé de huit mois et demi. Il a aujourd’hui deux ans, son frère cinq. Le père a été enlevé à un moment différent du reste de la famille et ils n’ont pas été détenus ensemble. La famille a exigé lundi soir des «réponses» du gouvernement israélien, affirmant ne «plus tolérer l’incertitude». Israël n’a jamais confirmé leur décès. Le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, a exigé des médiateurs «des informations sur leur état de santé».
Mise à jour le 8 février avec la libération des trois otages et l’arrivée des premiers prisonniers palestiniens.