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Libération
Etau

«Je suis debout, je ne plierai jamais» : malgré les manifestations, le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, envoyé en prison pour «corruption»

Ekrem Imamoglu, principal opposant d’Erdogan, a été incarcéré ce dimanche 23 mars, le jour où il devait assister à son investiture en tant que candidat de son parti pour la présidentielle prévue en 2028. Son arrestation mercredi avait déclenché une vague de contestation dans le pays.
L’édile d’opposition, Ekrem Imamoglu, triomphalement réélu l’an passé, avait ravi la capitale économique du pays au parti de Recep Tayyip Erdogan en 2019. (Chris McGrath/Getty Images. AFP)
publié le 23 mars 2025 à 8h34
(mis à jour le 23 mars 2025 à 20h18)

Les manifestations de masse n’y auront rien fait. Un juge a ordonné ce dimanche 23 mars l’incarcération pour «corruption» du maire d’opposition d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, dont l’arrestation mercredi a déclenché une vague de contestation en Turquie, a annoncé un de ses avocats. Le ministère turc de l’Intérieur a également affirmé dans un communiqué que l’édile avait été «suspendu de ses fonctions». La justice a en revanche rejeté une demande d’incarcération pour «terrorisme» à l’encontre de l’élu, principal rival du président Recep Tayyip Erdogan, a appris l’AFP.

«Exécution sans procès»

Ekrem Imamoglu a été conduit à la prison de Silivri, à l’ouest d’Istanbul, avec plusieurs coaccusés, ont assuré son parti et des médias turcs. L’un des avocats du maire a aussitôt annoncé qu’il contestera l’ordre d’incarcération. «Le processus judiciaire en cours […] est une exécution sans procès», a commenté Ekrem Imamoglu dans un message transmis par ses avocats, appelant «la nation à lutter». «Je suis debout, je ne plierai jamais», a également promis le représentant politique dans un message publié sur X, jurant que «tout ira bien» : un slogan qu’il avait fait sien en 2019 après l’annulation de son élection comme maire d’Istanbul, finalement obtenue de haute main lors d’un second scrutin.

Ekrem Imamoglu avait été amené samedi soir avec 90 de ses co-accusés au tribunal stambouliote de Caglayan, protégé par un très important dispositif policier, avant d’y être entendu à deux reprises dans la nuit. Jusqu’à tard, des dizaines de milliers de personnes étaient rassemblées devant l’hôtel de ville d’Istanbul pour le quatrième soir consécutif à l’appel de l’opposition afin d’y soutenir Ekrem Imamoglu, qui a dénoncé des accusations «immorales et sans fondement» à son encontre. Des manifestants ont passé la nuit à l’intérieur de la mairie, certains tentant de trouver le sommeil sur des chaises disposées dans le hall du vaste bâtiment en attendant d’être fixés sur le sort du maire, a constaté un photographe de l’AFP.

Pour tenter de prévenir des troubles, le gouvernorat d’Istanbul a prolongé l’interdiction de rassemblements jusqu’à mercredi soir et annoncé des restrictions d’entrée dans la ville aux personnes susceptibles de participer à des rassemblements, sans préciser comment il les mettrait en œuvre. L’accusation de «soutien à une organisation terroriste» contre Ekrem Imamoglu, figure du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force d’opposition, fait redouter à ses soutiens son remplacement par un administrateur nommé par l’Etat à la tête de la plus grande ville du pays s’il est incarcéré.

Depuis mercredi, la contestation déclenchée par son arrestation s’est répandue à travers la Turquie, atteignant une ampleur inédite depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, en 2013, parti de la place Taksim d’Istanbul. Des rassemblements ont eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte effectué samedi par l’AFP. Ces manifestations ont débouché sur des centaines d’arrestations dans au moins neuf villes du pays, selon les autorités.

Dimanche soir, le réseau social X a annoncé que les autorités turques avaient réclamé à la plateforme de fermer plus de 700 comptes d’opposants. «Nous nous opposons aux multiples décisions de l’Autorité turque des technologies de l’information et de la communication demandant le blocage de plus de 700 comptes d’organismes de presse, de journalistes, de personnalités politiques, d’étudiants et d’autres personnes en Turquie», a écrit l’équipe de communication du réseau social sur X.

Bête noire du président turc

Ekrem Imamoglu, 53 ans, est devenu la bête noire du président turc en ravissant en 2019 la capitale économique du pays au Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du chef de l’Etat, qui gardait la main sur Istanbul avec son camp depuis vingt-cinq ans. L’édile d’opposition, triomphalement réélu l’an passé, devait assister initialement ce dimanche à son investiture en tant que candidat de son parti pour la prochaine présidentielle, prévue en 2028.

Le CHP a décidé de maintenir l’organisation de cette primaire, qui a démarré à 8 heures, et a appelé tous les Turcs, même non inscrits au parti, à y prendre part.

Mise à jour : à 11 h 50, avec l’incarcération pour «corruption» et non pas pour «terrorisme» ; à 17 h 03 avec la suspension de ses fonctions et le lieu de son incarcération ; à 20 h 18 avec la demande de suppression des 700 comptes d’opposants sur X.