Le moment aurait dû être empli de silence, un moment propre au souvenir, au recueillement. Mais au lieu de cela, depuis des jours et plus encore ce dimanche 6 octobre, résonne dans tout le Proche-Orient le bruit des bombes. Les slogans, aussi, de dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté ce week-end de Londres à Paris en passant par Caracas, Washington ou Le Cap, leur soutien aux Palestiniens de Gaza mais aussi aux Libanais : «Arrêtez d’armer Israël», «Free, free Palestine» ou «Arrêtez de bombarder des hôpitaux», brandissaient-ils sur leurs écriteaux. De même, de nombreuses marches de solidarité ont eu lieu en hommage aux victimes du 7 Octobre.
Alors que l’Etat hébreu s’apprête à commémorer ce lundi les attaques terroristes perpétrées par le Hamas, qui ont tué près de 1 200 personnes et laissé une nation tout entière en lambeaux, ces dernières quarante-huit heures sont un condensé de l’escalade macabre dans laquelle la région est jetée depuis un an, avec plus de 41 000 morts à Gaza et 2 000 au Liban.
A Beyrouth, la nuit de samedi à dimanche a été «la plus violente» depuis le début de la guerre, selon des habitants, qui évoquent une situation semblable à un «tremblement de terre» : plus de 30 frappes israéliennes ont touché en quelques heures plusieurs secteurs de la banlieue sud, fief du Hezbollah pro-iranien, qui avait lancé dès le 8 octobre 2023 les hostilités contre Israël en «soutien» à Gaza. «Un pilonnage d’une intensité rare», a décrit le quotidien libanais l’Orient-le Jour. Près de Bourj el-Brajné, une boule de feu s’est élevée vers le ciel après un bombardement visant une station-service sur l’ancienne route en ruines de l’aéroport international de Beyrouth. Des heures durant, un incendie a ravagé ce qui restait des lieux, illuminant la capitale d’une couleur orange amère. Au total, 23 personnes sont mortes cette nuit-là dans la banlieue du sud de Beyrouth et dans le sud du pays. Le Hezbollah, lui, a indiqué avoir lancé des drones explosifs sur une base militaire israélienne près de Haïfa, dans le nord d’Israël, et revendiqué une frappe contre la base logistique de «Samson», située au niveau de Tibériade, à une trentaine de kilomètres de la frontière libanaise.
Riposte et déchirements
Le vacarme des tirs et bombes ne s’est pas non plus interrompu à Gaza, où Tsahal a dit dimanche «encercler» la zone de Jabalia (dans le nord de l’enclave), où le Hamas a pu «reconstruire ses capacités opérationnelles dans la zone» ; 17 personnes ont été tuées dans des frappes aériennes. Des troupes supplémentaires ont également été déployées dans les environs de la bande à l’approche du 7 Octobre, alors des roquettes ont été tirées dimanche depuis l’enclave. A Deir el-Balah (centre), 26 personnes sont mortes après une frappe nocturne sur une mosquée transformée en abri pour réfugiés. Le recueillement semble bien loin, alors que toute la région est suspendue à une riposte israélienne après l’attaque de l’Iran, mardi 1er octobre, où près de 200 missiles ont été tirés sur l’Etat hébreu… Le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, a menacé la république islamique de frappes similaires à celles menées «à Gaza et Beyrouth». Pour Téhéran, la riposte à la riposte est «prête». Dimanche, l’Iran a annoncé avoir suspendu tous les vols dans les aéroports iraniens jusqu’à ce lundi matin à l’aube. Dimanche, comme pour confirmer ses funestes présages, une policière de 25 ans a été tuée et au moins dix autres personnes blessées lors d’une attaque à l’arme à feu et à l’arme blanche à une station d’autobus de Beer Sheva, dans le sud d’Israël. «Le terroriste a été neutralisé», a indiqué la police israélienne.
Ce premier «anniversaire» illustre les déchirements de la région, mais aussi ceux qui minent l’Etat hébreu et différentes communautés par-delà les frontières. En Israël, les commémorations de lundi se feront sous haute sécurité, par crainte d’attentats, et dans un contexte tendu : les familles de victimes et d’otages ont refusé de participer aux célébrations officielles du gouvernement. Certains se réuniront en comité restreint dans les kibboutz les plus durement touchés, d’autres accueilleront à leur domicile des survivants pour se recueillir dans l’intimité. Une grande cérémonie du souvenir alternative sera retransmise à la télévision, faute de pouvoir réunir des milliers de personnes, alors que le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, prononcera un discours à la nation, sans plus de détails.
Dimanche, comme pour confirmer ses funestes présages, une policière de 25 ans a été tuée et au moins dix autres personnes blessées lors d’une attaque à l’arme à feu et à l’arme blanche à une station d’autobus de Beer Sheva, dans le sud d’Israël. «Le terroriste a été neutralisé», a indiqué la police israélienne.
Un appel à «cesser de livrer des armes»
Au Royaume-Uni, le Premier ministre travailliste, Keir Starmer, a alerté dans une tribune publiée dans The Sunday Times sur les «flammes de ce conflit meurtrier» et les «étincelles» qui «s’allument dans nos propres communautés, ici, chez nous». «Depuis le 7 Octobre, nous avons vu monter dans nos communautés une haine ignoble contre les juifs et les musulmans», s’alarme-t-il. «Les citoyennes et citoyens de confession juive ici en Allemagne ne doivent pas avoir à vivre dans la peur et la terreur», a de son côté déclaré le chancelier allemand, Olaf Scholz, tout en «continuant de plaider avec persistance pour un cessez-le-feu» à Gaza.
Ces clivages se sont fait entendre jusqu’au sommet de l’Etat français. Samedi, Emmanuel Macron a appelé à «cesser de livrer les armes [à Israël] pour mener les combats sur Gaza». «La France n’en livre pas», a-t-il précisé, visant directement les Etats-Unis et suscitant la colère de Benyamin Nétanyahou, pour qui le président français et certains dirigeants occidentaux «devraient avoir honte». Alors que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, se trouvera en Israël pour les commémorations du 7 Octobre, le chef de l’Etat français a réaffirmé dimanche lors d’un entretien téléphonique avec Benyamin Nétanyahou «l’engagement indéfectible» de la France pour la sécurité d’Israël mais aussi insisté, selon l’Elysée, sur l’urgence d’un cessez-le-feu à Gaza et au Liban, en répétant «sa conviction que le temps du cessez-le-feu est désormais venu».