L’affaire pourrait marquer une nette escalade, après une série d’attaques en mer Rouge, ces derniers jours, liées à la guerre entre Israël et le Hamas. Un navire de guerre américain et plusieurs navires commerciaux ont été attaqués dimanche 3 décembre dans la zone, selon le Pentagone. Le département de la Défense des Etats-Unis, qui n’a pas précisé d’où provenaient les tirs, évoque simplement des «attaques contre l’USS Carney et des navires commerciaux» et ne donne pas d’indications concernant d’éventuels dommages subis par les bâtiments.
Les rebelles houthis du Yémen ont ensuite revendiqué l’attaque de deux navires en mer Rouge, sans reconnaître avoir pris pour cible le destroyer de la marine américaine. Dans un communiqué publié ce dimanche en fin d’après-midi sur les réseaux sociaux, les Houthis, soutenus par l’Iran, affirment avoir mené une «opération contre deux navires israéliens dans le détroit de Bab el-Mandeb», et les avoir visés – le premier «avec un missile» et le second «avec un drone» –, en représailles à la guerre menée par l’armée israélienne contre le Hamas à Gaza.
«Nos frères de la bande de Gaza»
«Les forces armées yéménites continueront d’empêcher les navires israéliens de naviguer en mer Rouge jusqu’à ce que cesse l’agression israélienne contre nos frères de la bande de Gaza», a menacé le porte-parole militaire des Houthis, le général de brigade Yahya Saree, cité par l’agence américaine AP. Tant que dure la guerre, «tous les navires israéliens ou associés à des Israéliens» sont une «cible légitime», a-t-il affirmé.
Les rebelles yéménites ont précisé avoir attaqué les deux navires dimanche après qu’ils ont «rejeté [leurs] messages d’avertissement». Le premier navire a été identifié dans le communiqué comme étant le vraquier Unity Explorer, battant pavillon des Bahamas et appartenant à une société britannique dont l’un des officiers est Dan David Ungar, fils du magnat israélien du transport maritime Abraham Ungar. Le second, Number 9, est un porte-conteneurs battant pavillon panaméen, lié à l’entreprise allemande Bernhard Schulte Shipmanagement, avec pour destination le port de Suez.
«Tir de roquettes»
L’armée britannique a également fait état d’une attaque présumée de drone et d’explosions en mer Rouge, sans donner plus de précisions. «Un vraquier britannique battant pavillon des Bahamas aurait été attaqué par un tir de roquettes alors qu’il traversait la mer Rouge, à environ 34,5 km à l’ouest-nord-ouest de Mocha, au Yémen», a indiqué dimanche, en début d’après-midi, la société de sécurité maritime Ambrey.
«L’équipage se serait replié dans la citadelle», ajoute l’entreprise, faisant référence au sanctuaire blindé installé à bord de certains navires commerciaux, qui doit permettre d’échapper à la capture lors d’actes de piraterie. L’agence de sécurité maritime britannique UKMTO a, elle, indiqué avoir reçu des informations concernant l’activité d’un drone, «y compris une potentielle explosion», «à proximité de Bab el-Mandeb en provenance du Yémen».
Aux côtés du Hamas et du Hezbollah libanais, les Houthis font partie de l’«axe de la résistance», ainsi qu’ils le nomment, contre Israël. Depuis le 31 octobre, ces rebelles d’obédience zaydite – une branche minoritaire de l’islam chiite – ont déclaré ouvertement la guerre à Israël. Ils ont lancé une série de drones et de missiles, et de nombreux engins ont été interceptés par les défenses israéliennes ou des bateaux de guerre américains.
Reportage
Ces incidents interviennent dans un contexte de tensions accrues en mer Rouge. Le 19 novembre, les Houthis s’étaient posés en hélicoptère sur le pont du Galaxy Leader, un navire marchand comptant 25 membres d’équipage, avant de le détourner vers le port yéménite de Hodeidah, selon le propriétaire du navire. Le bâtiment, opéré par une compagnie japonaise, appartient à une société britannique elle-même propriété d’un homme d’affaires israélien.
Quelques jours plus tard, deux missiles balistiques avaient été lancés depuis une zone contrôlée par les rebelles au Yémen, atterrissant non loin d’un destroyer américain, l’USS Mason. Mercredi 29 novembre, un bateau militaire américain naviguant dans le sud de la mer Rouge a abattu un drone lancé depuis une zone houthie.
Voie navigable stratégique reliant la mer Rouge au golfe d’Aden, le détroit de Bab el-Mandeb (littéralement la «porte des lamentations»), d’une largeur minimale de 30 kilomètres entre la péninsule arabique et le continent africain, est l’un des couloirs de navigation les plus fréquentés au monde. La situation sécuritaire pourrait fortement impacter les frais d’assurance et le temps de navigation commerciale dans la région, forçant certaines compagnies, notamment celles liées à Israël, à réacheminer des navires.
Gardes armés et barbelés
Sans compter les dangers pour les équipages. Quand il a traversé le détroit de Bab el-Mandeb il y a quelques jours, Vishal a vu son capitaine devenir «très sérieux et très agité». Le matelot indien, qui travaille à bord d’un vraquier, raconte à Libération les «exercices désormais quotidiens pour courir le plus vite possible à la citadelle». Il rappelle que la zone est connue pour ses incidents de piraterie, mais que ceux-ci étaient devenus «assez limités» ces dernières années.
«Lorsque nous avons traversé le détroit après avoir transité par Suez, notre compagnie a fourni quelques gardes armés pour aider à surveiller le pont, en plus des gardiens habituels, témoigne Vishal. Le garde-corps est également recouvert de fils barbelés.» Les récents événements montrent que ces protections pourraient bien être, dans le climat actuel, insuffisantes. «Nous sommes bien préparés à un détournement par de petites embarcations, pas par des hélicoptères, admet le marin, en référence à la spectaculaire capture du Galaxy Leader filmée par les assaillants. Même des gardes armés ne seraient pas d’une grande utilité.»