Courbé sur une petite moto dont il fait rugir le moteur, Abbas, 27 ans, s’enfonce au sud de Beyrouth. «Il faut que j’aille trouver Charly, ma nièce ne fait que pleurer depuis hier.» Charly, c’est le petit chat noir que sa famille a recueilli dans la rue l’année passée. La veille, le bombardement massif tuant le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, les a contraints à fuir leur appartement. L’immeuble face à eux venait de s’effondrer et dans la précipitation, personne n’a pensé à embarquer Charly. «Des hommes nous ont hurlé d’évacuer, on a pris des sacs à dos et on s’est engouffrés dans la fumée.»
Abbas a déjà prévu des croquettes pour appâter le chat. Il bifurque vers Haret Hreik, traverse les petites ruelles de la Dahiyeh, la banlieue sud. Cette dernière est vide, les stores des magasins baissés ajoutent à la pesanteur du silence. «C’est toute mon enfance qui a l’air brisée», balbutie-t-il. L’air est moite, enveloppé d’une odeur irritante de poussière et de brûlé alors que de la fumée blanche s’échappe encore du QG détruit du Hez