L’Italie ne cachait plus ses intentions depuis plusieurs mois. Ce mercredi 6 décembre, une source au sein du gouvernement de Giorgia Meloni a finalement confirmé le retrait de l’Italie de l’accord controversé avec la Chine sur les «Nouvelles Routes de la soie», quatre ans après l’avoir intégré. Et ce jeudi, sans nommer directement l’Italie, la Chine dit «s’opposer fermement au dénigrement et à l’affaiblissement de la coopération [autour] des Nouvelles Routes de la soie, et s’oppose à la confrontation et à la division», par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Cette décision de quitter le projet ambitieux d’infrastructures maritimes et terrestres a été communiquée à Pékin en début de semaine, selon le quotidien italien Corriere della Sera. L‘accord devait être automatiquement renouvelé en mars 2024, sauf en cas de retrait d’ici la fin 2023. L’adhésion de Rome «n’a pas produit les résultats» escomptés par la troisième économie de la zone euro, avait jugé en septembre le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani.
Mais le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois rappelle de son côté que Rome avait envoyé en octobre des représentants au forum des Nouvelles Routes de la soie à Pékin, une preuve selon lui de «l’énorme attrait» et de «l’influence mondiale» du projet auquel plus de 150 pays participent, ce qui en fait «la plus grande plateforme de coopération dans le monde» selon lui.
Ployant sous le poids de sa dette publique, l’Italie était devenue en 2019 le seul pays du G7 à participer à ce programme d’investissements massifs de Pékin, décrit par ses opposants comme un cheval de Troie destiné à obtenir une influence politique. Une «grave erreur», avait estimé la Première ministre, Giorgia Meloni, avant son arrivée au pouvoir fin 2022.
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Lancées il y a dix ans, les Nouvelles Routes de la soie sont le projet phare de Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en 2012. Inspiré par l’ancienne route commerciale de la soie, ce projet pharaonique d’un montant de 2 000 milliards de dollars (1 854 milliards d’euros) est l’outil clé de la politique étrangère de la Chine. Il vise à améliorer les liaisons commerciales terrestres et maritimes entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique – et même au-delà – par la construction de ports, de voies ferrées, d’aéroports ou de parcs industriels.
«Maintenir ouvertes les voies du dialogue politique»
Mais Rome a tout mis en œuvre pour «maintenir ouvertes les voies du dialogue politique», a informé une source gouvernementale. Le sujet est délicat pour l’Italie, qui cherche à ne pas froisser la puissance chinoise pour éviter des représailles contre ses entreprises, affaiblies par la pandémie de coronavirus et les sanctions adoptées contre la Russie dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine.
En mai, Giorgia Meloni avait affirmé qu’aucune décision n’avait encore été prise sur ce sujet, «qui doit être traité avec beaucoup de prudence». En septembre, lors du sommet du G20 à New Delhi, elle avait assuré qu’un retrait de l’Italie «ne compromettrait pas les relations avec la Chine».
"Sri Lanka : les "nouvelles routes de la soie", la dette et l'éléphant blanc", un grand reportage signé @jelena_tomic. C'est la nouvelle étape de notre série spéciale sur @RFI : https://t.co/ikm7bXoHOW
— Joris Zylberman (@Djoritch) September 6, 2023
Dès 2019, l’absence de transparence sur les détails de l’accord avait alimenté la méfiance des alliés de Rome, en particulier l’Union européenne et les Etats-Unis. Les Nouvelles Routes de la soie, auxquelles adhérent plus de 150 pays selon Pékin, sont vivement critiqués à l’international pour l’endettement dangereux qu’elles font peser sur des pays pauvres – le fiasco du port de Hambantota, au Sri Lanka, étranglé par les crédits chinois en est un cas d’école – ou les dommages sur l’environnement. Mais si elles n’ont pas rejoint le projet, d’autres grandes économies européennes comme l’Allemagne et la France ne se sont pas empêchées de conclure d’importants accords commerciaux et d’investissements avec le géant chinois.
Mise à jour le 7 décembre à 9h30 : avec la réaction de Pékin.