Menu
Libération
Confidentiel

Piratages téléphoniques : à l’étranger, l’imprudence règne

Le Projet Pegasus, une affaire d'espionnage mondialdossier
D’Obama à Merkel en passant par le prince héritier MBS, tous ont utilisé un smartphone, plus ou moins sécurisé, malgré leurs responsabilités. Exception notable : Vladimir Poutine, qui n’en possède pas et n’en veut pas.
Barack Obama et son BlackBerry en 2010. (Pete Souza/White House-HANNING-R/White House/Rea)
publié le 22 juillet 2021 à 6h48

Ce fut l’un des premiers bras de fer de Barack Obama une fois élu. Le 44e président des Etats-Unis souhaitait conserver son BlackBerry, les agences responsables de la cybersécurité s’y opposaient. Nous étions alors en 2009 (il y a un siècle en terme technologique), des logiciels aussi intrusifs et furtifs que le logiciel Pegasus, au cœur des révélations du consortium Forbidden Stories, n’avaient pas encore proliféré. Mais le risque pour la sécurité des communications présidentielles était jugé tel qu’Obama dut accepter un compromis : il garderait son BlackBerry dans une version bridée, seule une poignée d’interlocuteurs pouvaient le joindre sur ce téléphone intelligent. Pour les mêmes raisons, il n’a pas pu non plus basculer sur un iPhone en 2013.

Angela Merkel est longtemps restée low-tech, avec son increvable Nokia. Elle ne l’a remplacé qu’en 2014, après les révélations d’Edward Snowden sur la NSA qui avait ciblé le portable de la chancelière allemande. Pour assurer la confidentialité de ses échanges, Merkel a été équipée d’un BlackBerry Q10, décrit comme «ultrasécurisé», notamment grâce une puce microSD fabriquée en Allemagne. La connexion à Internet et à l’intranet du gouvernement allemand était protégée et toutes les communications chiffrées («cryptées»), à condition que ses interlocuteurs disposent du même type d’appareil.

Pour Poutine, pochettes et téléphone fixe

Tous ne font pas preuve d’autant de prudence. Outre Emmanuel Macron, qui utilise au moins deux iPhone personnels, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane est un adepte de la messagerie grand public WhatsApp (sécurisée jusqu’à un certain point). MBS y a ainsi échangé avec Jeff Bezos, alors patron d’Amazon. Une partie de ces discussions ont été rendues publiques après le piratage dont a été victime Bezos et dont MBS est le principal suspect.

A l’opposé, un président a adopté une approche radicale : Vladimir Poutine (qui n’hésite pas à exprimer ouvertement sa défiance d’Internet en général, une «invention de la CIA») ne possède pas de smartphone. «En posséder un, c’est se livrer en quelque sorte à de l’exhibitionnisme volontaire, c’est la transparence absolue, a expliqué en décembre 2020 le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Malheureusement, le monde est ainsi fait. Par conséquent, il ne faut pas qu’un président en ait un, surtout le président d’un pays comme la Russie. Et un président comme Poutine.»

A l’ancienne, le chef d’Etat russe continue d’être informé grâce à des documents imprimés et glissés dans des pochettes, que l’on remarque souvent devant lui lors de ses allocutions. Il lui arrive souvent de dire : «On m’a apporté le dossier…» D’imposants téléphones fixes – un réseau fermé intragouvernemental – complètent ce décor officiel.