En décembre 2020, les ondes britanniques diffusent une curieuse chanson intitulée Boris Johnson is a Fucking Cunt (Boris Johnson est un putain de connard), du groupe satirique The Kunts. Le morceau se hisse rapidement à la cinquième position des charts. L’année suivante, le groupe réitère et sort Boris Johnson is Still a Fucking Cunt (Boris Johnson est toujours un putain de connard), qui connaît un succès similaire. Pour les auteurs, Boris Johnson a réussi à se maintenir au pouvoir une année supplémentaire, alors que les crises à répétition et ses mensonges auraient dû le pousser plus tôt vers la sortie.
Le mandat de Boris Johnson, arrivé au pouvoir le 24 juillet 2019 pour négocier le Brexit, n’a cessé d’être émaillé de scandales, mensonges, accusations d’agressions sexuelles, de corruption, suscitant lassitude et indignation des Britanniques. Le dernier sondage YouGov datant du 30 juin indique que 71 % des Anglais pensent que Boris Johnson est un mauvais Premier ministre. Retour sur les principales crises qui ont terni puis plombé le mandat de l’avocat du Brexit.
2020 : Rénovation d’un appartement de fonction
Boris Johnson et sa fiancée, Carrie Symonds, souhaitent rénover leur appartement de fonction à Downing Street et disposent de 30 000 livres de fonds publics. Seul hic : les travaux coûtent au total 112 000 livres. Surtout, le scandale repose sur l’origine des fonds. Les travaux ont d’abord été payés par le Bureau du Cabinet, un organe du gouvernement dédié à ce type de dépenses, mais le parti conservateur a reçu 52 000 livres d’un membre des tories, siégeant à la chambre des Lords, la chambre haute du Parlement, non élue, pour payer les factures. Des textos montrent que Boris Johnson a promis une compensation à son créancier. Son parti a écopé d’une amende pour ne pas avoir déclaré le don, et le Premier ministre a dû s’excuser d’avoir caché les SMS.
Novembre 2020 : Priti Patel accusée de harcèlement
Mise en cause par ses équipes, la ministre de l’Intérieur, Priti Patel, aurait «crié et injurié, dénigré des gens et fait des demandes déraisonnables et répétées». Si la ministre a présenté ses excuses, Boris Johnson a estimé qu’elle n’avait pas contrevenu au code de conduite ministériel. Le scandale avait éclaté fin février avec la démission retentissante du plus haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur Philip Rutnam.
Novembre 2021 : Scandale Owen Paterson
Boris Johnson apporte son soutien à un député de sa majorité, qui aurait pourtant dû être suspendu temporairement pour avoir abusé de sa position au Parlement sur des contrats de lobbying. Owen Paterson, ancien membre du gouvernement de David Cameron et député, a reçu 100 000 livres du groupe agroalimentaire Lynn’s Country Foods et de la société de diagnostic clinique Randox. Boris Johnson fait pression pour que le règlement de la Chambre des communes soit modifié, afin d’éviter la suspension de Paterson, mais des dizaines de députés tories votent contre. Paterson finit par partir.
Décembre 2021 : scandale du «Partygate»
En décembre dernier, les médias britanniques publient quasiment chaque jour de nouvelles informations concernant plus d’une dizaine de fêtes clandestines organisées entre mai 2020 et avril 2021 au 10, Downing Street, le siège du Premier ministre, alors que le Royaume-Uni subit plusieurs confinements stricts. L’opinion publique britannique est exaspérée par les arguments chancelants et teintés de mensonges de Boris Johnson, qui a nié pendant plusieurs semaines toute implication, plutôt que par sa propre participation à ces festivités.
Son anniversaire surprise du 19 juin 2020 rassemble une trentaine de collaborateurs, en dépit des mesures sanitaires mises en place. Boris Johnson s’est défendu d’y être resté plus de dix minutes. Le 13 novembre 2020, une soirée de Noël a été organisée le jour du départ de l’ancien conseiller spécial de Boris Johnson, Dominic Cummings, en plein second confinement. En l’absence de photos, Downing Street a simplement nié. Le Guardian révèle ensuite qu’un pot de départ a eu lieu le 27 novembre 2020, dans une pièce «noire de monde», d’après les témoins. Quelques jours plus tard, lors d’une séance de questions au Premier ministre, Boris Johnson assure que «les règles ont été respectées».
Le Sunday Mirror publie ensuite des photographies montrant Boris Johnson en train de prendre part à un quiz de Noël, organisé le 15 décembre 2020. Comme il n’est entouré que de deux collaborateurs sur les photos, il se défend de toute transgression. Moins d’une semaine après, une nouvelle photo montre le Premier ministre avec sa femme et des collaborateurs, autour de verres de vin et d’une planche de fromage, photographie qui remonte au 15 mai 2020, premier confinement strict. Le 10 janvier 2022, énième révélation concernant une fête organisée dans les jardins de Downing Street, le 20 mai 2020, qui réunit une centaine de convives. Le Premier ministre explique avoir cru qu’il s’agissait d’une réunion de travail, une version largement mise à mal par son ancien conseiller Dominic Cummings.
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Fin mai 2022, le rapport de la haute fonctionnaire Sue Gray décrit avec précision toutes ces beuveries, au moment où le média britannique ITV News publie plusieurs clichés montrant le Premier ministre en train de boire un verre lors d’un événement à Downing Street en 2020. Boris Johnson, de plus en plus acculé et doté d’une popularité au plus bas, refuse pourtant de démissionner. Lors du vote de défiance du Parlement britannique, début juin, un tiers de son camp ne lui accorde pas son soutien.
Janvier 2022 : Evacuation d’animaux d’Afghanistan
Le 15 août 2021, les talibans s’emparent de Kaboul, la capitale afghane, ce qui provoque scènes de chaos et de panique. Des milliers d’Afghans, désormais menacés, cherchent à fuir et demandent de l’aide aux ambassades occidentales. Boris Johnson est accusé d’avoir favorisé l’évacuation de 150 chiens et chats, abrités dans le chenil de Pen Farthing, un ancien de la Royal Navy. La commission des Affaires étrangères de Westminster enquête sur le retrait des forces britanniques du pays.
29 juin 2022 : Démission de Chris Pincher
Chris Pincher, «whip» chargé de convaincre les députés de respecter la ligne gouvernementale, est accusé par plusieurs médias britanniques d’agressions sexuelles sur deux hommes, dont un député, lors d’une soirée très arrosée au Carlton Club, établissement privé de Londres. Le député conservateur, pourtant accusé d’agressions sexuelles sur plusieurs jeunes hommes depuis deux décennies, a été chargé en février de la discipline au sein du parti. Il a dû quitter ses fonctions début juillet, après ces révélations. Pendant des jours, les membres du gouvernement ont soutenu que Boris Johnson n’était pas au courant de ses agissements, avant que celui-ci admette finalement l’inverse lundi, déclenchant le compte à rebours de sa démission.