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Libération
Reportage

Pour les évacués des kibboutz aux abords de Gaza, le supplice de ne pas savoir

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Guerre au Proche-Orientdossier
Alors que le gouvernement israélien promet de muscler encore sa réponse à l’attaque du Hamas et assiège Gaza, les évacués se sentent seuls devant l’énormité de ce qui ressemble d’ores et déjà à une défaite.
Des Israéliens évacués de kibboutz près de la bande de Gaza, le 9 octobre. (Gil Cohen-Magen/AFP)
par Nicolas Rouger, envoyé spécial à Ein Bokek
publié le 9 octobre 2023 à 21h54

Le vent souffle sur la mer Morte ce lundi. Il fait chaud et sec. Le grand lac salé luit d’une lumière bleu-gris, les palmiers se balancent au vent dans le silence et l’immensité du désert. Quelques jeunes batifolent dans la piscine du Leonardo Plaza dans la petite station balnéaire d’Ein Bokek. Le contraste avec Gaza, à deux heures de route de l’autre côté du désert du Néguev, est saisissant.

«Nous sommes rentrés dans le bunker, nous avons tout fermé à clé»

A Ein Bokek, en dépit du calme et du silence, le conflit est pourtant bien là, dans le café attenant à la réception de l’hôtel. Sur les visages aux traits tirés, on lit les nuits sans sommeil, le traumatisme et la tristesse. C’est dans cet établissement que les 250 habitants de Kissufim sont arrivés à 5 heures du matin dimanche, après vingt heures de siège dans leur petit kibboutz, situé sur la frontière avec Gaza. Ils sont tous là, ou presque. «Il y a dix morts. Et huit disparus», dit platement Ahuva Ilan, 77 ans. Les yeux de cette ex-directrice d’école s’embuent facilement, malgré son sourire et son entrain naturel. Dans les conversations, les histoires horribles se suivent et se ressemblent. Celles de ces combattants du Hamas qui auraient pris des uniformes israéliens pour tromper des habitants du kibboutz réfugiés dans leur bunker. Ou encore celles où on a pr