«Une tragédie inacceptable que l’on peut éviter.» L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a révélé, vendredi 21 mars, les chiffres de la mortalité migratoire mondiale : en 2024, au moins 8 938 personnes sont mortes sur les routes de l’exil. C’est plus qu’en 2023, année qui était déjà la plus meurtrière de la décennie. «Le nombre croissant de migrants morts dans le monde est une tragédie qui est inacceptable et que l’on peut éviter», a commenté la directrice générale adjointe de l’OIM, Ugochi Daniels, dans un communiqué. L’instance précise que le bilan réel est «probablement bien plus élevé» car de nombreux décès ne sont pas documentés.
Interview
C’est la cinquième année consécutive que l’organisation onusienne enregistre une hausse. «L’augmentation du nombre de décès dans de nombreuses régions du monde montre pourquoi nous avons besoin d’une réponse internationale et holistique pour empêcher d’autres pertes tragiques de vies humaines», a indiqué la responsable. Selon l’OIM, «2024 a été l’année la plus meurtrière jamais enregistrée dans la plupart des régions du monde, y compris en Asie (2 778 décès enregistrées), en Afrique (2 242) et en Europe (233)». En revanche, bien que les données finales ne soient pas encore disponibles pour la région des Amériques, elles font état d’au moins 1 233 décès, dont des nombres record de 341 morts dans les Caraïbes et de 174 autres dans la jungle du Darien, située à cheval entre le Panama et la Colombie.
Des milliers de morts inconnus
Comme chaque année, l’organisation estime que «le nombre réel de décès et de disparitions de migrants est probablement beaucoup plus élevé, car beaucoup n’ont pas été documentés en raison du manque de sources officielles». De plus, l’identité et l’origine de la majorité des migrants morts ou portés disparus sont inconnues. «La hausse des décès est terrible en soi, mais le fait que des milliers de personnes restent non identifiées chaque année est encore plus tragique», a commenté Julia Black, qui coordonne le projet «Migrants disparus» de l’OIM. «Au-delà du désespoir et des questions non résolues rencontrées par les familles qui ont perdu un être cher, le manque de données plus complètes sur les risques auxquels les migrants sont confrontés entrave les réponses qui sauvent des vies», a-t-elle ajouté.
Enquête
En parallèle, le nombre d’exilés secourus en mer augmente également. Entre la France et le Royaume-Uni par exemple, ils n’étaient que 120 exilés à avoir été secourus en 2018, au lancement du dispositif de sauvetage qui couvre en permanence le détroit du Pas-de-Calais. En 2024, ce sont 6 310 personnes qui ont été sauvés dans les eaux de la Manche. Pourtant, le nombre de personnes qui tentent la traversée n’est pas plus important qu’avant, mais la prise de risque, elle, augmente : surchargement des embarcations, allongement des traversées… La faute à une répression accrue obligeant les exilés à partir depuis des zones moins proches des côtes anglaises.
La situation est similaire sur de nombreuses autres voies migratoires. Faute de transit sûr et légal, des centaines de milliers de personnes tentent leur chance chaque année dans des conditions dangereuses. La traversée de la Méditerranée reste la route la plus meurtrière au monde pour les migrants, en 2023, l’OIM y enregistrait 3 129 décès et disparitions – contre 2 452 en 2024. Malgré cette baisse, le nombre particulièrement élevé «montre la nécessité de systèmes de recherche et de sauvetage adéquats ainsi que la nécessité de routes de migration sûres et régulières», insiste l’OIM.