«C’est un jour de honte pour l’Etat britannique», annonçait lundi 20 mai dans l’après-midi le Premier ministre, Rishi Sunak. Plusieurs décennies après les faits, alors que 30 000 personnes ont été infectées et qu’une victime meurt en moyenne tous les quatre jours, le gouvernement britannique a enfin admis sa responsabilité et a promis de payer «quel que soit le prix».
Le scandale du sang contaminé – qui a également touché la France dans les années 80 et 90 – concerne deux catégories de victimes. D’une part, les hémophiles traités avec un produit sanguin venu des Etats-Unis, le «Facteur VIII», et d’autre part des personnes ayant reçu des transfusions lors d’une opération dans le système de santé public. Dans les deux cas, ces patients ont été exposés à une contamination au VIH ou à l’hépatite C, et environ 3 000 d’entre eux ont succombé à l’une ou l’autre de ces maladies.
Le rapport de 2 527 pages, fruit d’une enquête publique qui n’a été lancée qu’en 2017, est glaçant. Il révèle que la catastrophe n’était «pas un accident», et qu’elle aurait pu «être largement, bien que pas entièrement, évitée», notamment car les risques liés à la transmission de l’hépatite C et du VIH par le sang étaient «très bien connus». Les patients ont été exposés à des risques «inacceptables», et les gouvernements et responsables du secteur médical ont refusé de «prioriser» leur sécurité. A cette série de «défaillances systémiques, collectives et individuelles» s’ajoute une entreprise de «dissimulation subtile, omniprésente et effrayante», qui est notamment passée par la «destruction délibérée de documents pertinents».
10 milliards de livres de compensation
L’enquête souligne également les conséquences du scandale pour les victimes et leurs familles, notamment en raison des préjugés entourant l’hépatite C et le VIH dans les années 80 et 90. Ceux qui s’étaient rassemblés à Londres pour entendre en direct les résultats ont fait part de leur colère et de leur tristesse : s’ils se disent soulagés de voir la vérité émerger, celle-ci est terrifiante. Sans compter qu’après tant d’années à se cacher, puis à se battre, la victoire ne peut être que douce-amère.
«Ce rapport fait état d’un échec moral long de plusieurs décennies au cœur de notre vie nationale. Je tiens à présenter des excuses sincères et sans équivoque», a ajouté le Premier ministre devant la Chambre des communes. Les conclusions de l’enquête s’étalaient à la une de presque tous les journaux britanniques ce mardi 21 mai, et le gouvernement s’est empressé de formuler un calendrier pour un programme de compensation. Celui-ci pourrait s’élever à 10 milliards de livres en tout. Le rapport d’enquête, qui conseille également de créer un mémorial, suggère d’allouer des sommes en fonction de cinq critères : les séquelles, l’impact social, la perte d’autonomie, le besoin en soins et les pertes financières.