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Libération
Peine de mort

Selon Amnesty International, les exécutions capitales en hausse au niveau mondial en 2021

Au moins 579 personnes ont été exécutées dans le monde en 2021, notamment en Chine, en Iran et en Egypte. D’après le nouveau rapport de l’ONG, ce chiffre est en augmentation par rapport à 2020, mais n’entame pas la dynamique générale d’abrogation de la peine capitale sur la durée.
Une chaise électrique (à droite) et une chaise de peloton d'exécution (à gauche) dans la chambre des peines capitales de l'Etat de Caroline du Sud à Columbia (Etats-Unis). (AP)
publié le 24 mai 2022 à 1h00

579 morts de trop, bien sûr, mais «des signes d’espoir», selon Anne Denis, responsable de la commission Abolition de la peine de mort à Amnesty International France. L’ONG spécialisée dans la défense des droits humains présente ce mardi son rapport annuel sur la peine de mort dans le monde, qui fait référence en la matière. On y apprend qu’au moins 579 personnes ont été exécutées dans un cadre légal en 2021, et qu’au moins 2 052 condamnations à la peine capitale ont été prononcées. Les chiffres réels sont sans nul doute largement plus élevés : faute de données disponibles, les publications d’Amnesty International ne prennent en compte ni la Chine, où plusieurs milliers de personnes seraient exécutées chaque année, ni la Corée du Nord ou le Vietnam.

D’une année sur l’autre, l’évolution a de quoi inquiéter. En 2021, les exécutions ont augmenté de 20 % et les condamnations à mort de 40 % par rapport à 2020. Ce qui s’explique essentiellement par le ralentissement, voire la mise à l’arrêt, de la machine judiciaire provoqué par l’irruption de la pandémie de Covid-19, il y a deux ans. «2020 était une année particulière : dans certains Etats, les institutions ne fonctionnaient plus comme d’habitude, et cela avait contribué à un recul statistique de la peine de mort», explique Anne Denis. La présidence saoudienne du G20 avait elle aussi joué un rôle significatif, le royaume s’efforçant de limiter les exécutions pour ne pas écorner son image à l’international.

«Il y a une prise de conscience mondiale»

La parenthèse a vite été refermée. Riyad a décapité au moins 65 détenus en 2021 (contre 27 en 2020), se classant à la troisième place des Etats les plus meurtriers (Chine exclue). Avec au moins 314 mises à mort (contre 246 en 2020), l’Iran est en tête de classement, devant l’Egypte, et concentre l’essentiel de la hausse enregistrée en 2021. La plupart sont liées à des affaires de trafic de drogue. Suivent l’Arabie Saoudite, donc, la Syrie (24 exécutions) et la Somalie (21 exécutions). Au total, 18 Etats ont organisé des mises à mort, comme en 2020 : sept au Moyen-Orient, cinq en Asie et quatre en Afrique, mais aussi un en Amérique (les Etats-Unis) et un en Europe (le Bélarus). Trois pays, l’Iran, l’Egypte et l’Arabie saoudite, comptabilisent 80 % de l’ensemble des exécutions recensées.

Sur le temps long, pourtant, le rapport d’Amnesty International confirme la tendance à la baisse de la pratique de la peine de mort dans le monde. Marquée par le moratoire sur les exécutions fédérales annoncé par Joe Biden aux Etats-Unis, où les exécutions ont atteint un niveau historiquement bas, l’année 2021 est ainsi la meilleure enregistrée par l’ONG depuis 2010, exception faite de 2020. «Il y a une forme de prise de conscience mondiale que la peine de mort ne règle rien, qu’elle n’est pas dissuasive et ne permet pas de réduire la criminalité, se félicite Anne Denis. Les gouvernants se rendent aussi compte de l’injustice de ce système, qui frappe surtout les plus pauvres, comme aux Etats-Unis par exemple.»

Un combat long et difficile

Les militants abolitionnistes ont obtenu l’année dernière plusieurs victoires majeures, à divers endroits du globe. Le président de la Sierra Leone, petit Etat d’Afrique de l’Ouest où aucune exécution n’avait eu lieu depuis vingt ans, a promulgué en octobre une loi d’abolition de la peine de mort, remplacée par l’emprisonnement à perpétuité. Le Kazakhstan a emprunté un chemin similaire en ratifiant un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui bannit les sentences capitales pour tous les crimes. Et la Virginie est devenue au printemps 2021 le premier Etat de l’ancien Sud confédéré des Etats-Unis à renoncer à ce châtiment, et le vingt-troisième Etat abolitionniste du pays.

Mais le combat pour l’abolition universelle espérée par Amnesty International s’annonce encore long et difficile. «Dans plusieurs Etats du Moyen-Orient et d’Afrique, qui constituent un véritable noyau dur de la peine de mort, l’application de la charia est encore un point de blocage important. Nous nous heurtons par ailleurs au silence qui entoure ce système dans certains Etats, comme le Japon où le sujet est absent du débat public. Il faut absolument éduquer la population pour faire comprendre ce que signifie la peine de mort», prévient Anne Denis. Pour Amnesty International, il est impératif de rester «vigilant» face aux éventuels «retours de bâton». Révélé début mai par une fuite médiatique historique, le projet de la Cour suprême américaine de revenir sur le droit à l’avortement au niveau fédéral rappelle à ceux qui l’auraient oublié que les avancées en matière de droits humains ne doivent jamais être tenues pour acquises.