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Malnutrition

Selon l’Unicef, 27 % des enfants de moins de cinq ans dans le monde vivent dans une «pauvreté alimentaire sévère»

Alimentationdossier
181 millions d’enfants de moins de cinq ans risquent des séquelles graves faute d’une alimentation suffisamment nutritive et diversifiée, alerte le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef).
Lors d'une distribution alimentaire à Rafah, dans la bande de Gaza, le 21 décembre 2023. (Fatima Shbair/AP)
publié le 6 juin 2024 à 9h57

L’objectif d’une «faim zéro» en 2030 continue de s’éloigner. Dans un rapport publié ce jeudi 6 juin, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) évalue l’état actuel de la «pauvreté alimentaire» des enfants dans le monde. Ce concept prend en compte la faible diversité des groupes nutritionnels consommés par les populations de la planète. Le constat est alarmant : plus d’un enfant sur quatre âgé de moins de cinq ans soit 180 millions d’enfants vit dans une «pauvreté alimentaire sévère».

Ainsi, 27 % des enfants de moins de cinq ans «survivent avec un régime alimentaire très pauvre, consommant des produits issus de deux groupes alimentaires, ou moins», explique l’une des autrices du rapport, la nutritionniste Harriet Torlesse, qui évoque un nombre «choquant». Selon les recommandations de l’Unicef, ces enfants en bas âge devraient ingérer quotidiennement des aliments d’au moins cinq groupes sur huit (lait maternel, céréales, fruits et légumes riches en vitamine A, viandes ou poissons, œufs, produits laitiers, légumineuses, autres fruits et légumes).

Mortalité et cercle vicieux

Mais 440 millions d’enfants de moins de 5 ans (soit 66 %) vivant dans une centaine de pays à revenus faibles et moyens passés en revue n’ont pas accès à ces cinq groupes chaque jour, et vivent donc en situation de «pauvreté alimentaire». Ces «enfants qui consomment seulement deux groupes alimentaires par jour, par exemple du riz et un peu de lait, ont 50 % plus de probabilité de subir des formes graves de malnutrition», alerte dans un communiqué la patronne de l’Unicef, Catherine Russell. Des formes graves comme l’émaciation, un extrême amaigrissement qui peut conduire à la mort.

De plus, si ces enfants survivent et grandissent, un cercle vicieux transgénérationnel peut s’installer. «Ils ne s’épanouissent pas. Ils réussissent moins bien à l’école, et à l’âge adulte, ils ont plus de mal à gagner leur vie, cela entretient un cycle de pauvreté de génération en génération, explique Harriet Torlesse. Le cerveau, le cœur, le système immunitaire, importants pour le développement, pour la protection contre les maladies, dépendent des vitamines, des minéraux, des protéines.»

63 % des enfants somaliens en pauvreté alimentaire

Cette pauvreté alimentaire sévère n’est évidemment pas également répartie à travers la planète. Les chiffres du rapport se concentrent sur la situation de 20 pays, avec des cas particulièrement préoccupants en Somalie (63 % des enfants de moins de 5 ans touchés), en Guinée (54 %), en Guinée-Bissau (53 %) ou en Afghanistan (49 %). Mais si les données n’existent pas pour les pays riches, des enfants de foyers pauvres ne sont certainement pas épargnés non plus par ces carences alimentaires. En France par exemple, 16 % des gens ne mangent pas à leur faim, selon un rapport du Crédoc paru l’an passé.

Le rapport de l’Unicef fait une place particulière à la situation à Gaza où l’offensive israélienne sur l’enclave a mené «les systèmes alimentaires et de santé à l’effondrement». Se basant sur cinq séries de récoltes de données faites par SMS entre décembre et avril auprès de familles bénéficiaires d’un programme d’aide financière dans la bande de Gaza, le Fonds estime que 90 % des enfants y vivent dans une pauvreté alimentaire sévère. Si ces données sont fragiles, elles illustrent la détérioration catastrophique de la situation depuis 2020, où seulement 13 % des enfants gazaouis vivaient dans cette situation, selon l’agence onusienne.

Au niveau mondial, constatant seulement un «lent progrès» depuis dix ans dans la lutte contre la pauvreté alimentaire, le rapport appelle à la mise en place de mécanismes de protection sociale et d’aide humanitaire. Il réclame aussi une transformation du système agroalimentaire, mettant en cause les boissons très sucrées et plats industriels ultratransformés, «commercialisés de façon agressive auprès des familles et qui deviennent la norme pour nourrir les enfants», favorisant l’obésité. Harriet Torlesse souligne que ces produits sont souvent bon marché «mais aussi très élevés en calories, très salés, gras. Ils suppriment la faim mais n’apportent pas les vitamines et minéraux dont les enfants ont besoin».