La demande de réparations se chiffre en millions. L’Etat français est visé par une procédure judiciaire à Paris, accusé de «squatter» la résidence abritant l’ambassade de France à Bagdad, en Irak. Et ce sur fond de «spoliation de biens juifs» par les autorités irakiennes, ajoute ce vendredi 24 octobre l’avocat des ayants droit des propriétaires du bien.
«Malheureusement, la République française squatte un immeuble qui n’est pas le sien», dénonce Me Jean-Pierre Mignard, qui représente les descendants des propriétaires, des juifs irakiens émigrés au Canada. L’avocat demande pour ses clients près de 21,5 millions d’euros, au titre de loyers impayés, depuis 1969 pour le loyer principal et depuis 1974 pour un montant complémentaire, dont 7 millions au titre du préjudice moral.
«Cette histoire n’empêche personne de dormir au Quai d’Orsay»
En l’espèce, l’immeuble occupé est un bâtiment de 3 800 mètres carrés, accompagné d’un jardin de 1 150 mètres carrés, propriété des frères Ezra et Khedouri Lawee, membres de la communauté juive irakienne qui avaient fui au Canada à la fin des années 1940, en plein exode de leurs coreligionnaires, dans un monde arabe alors en ébullition. Ils en étaient restés propriétaires après leur exil. Dans un argumentaire cet été, le quai d’Orsay s’est défendu de tout squat, assurant avoir signé un contrat de location avec les propriétaires prenant effet en 1965. Des contrats ont également été signés avec les autorités irakiennes, précise la diplomatie française, qui rend les législations irakiennes antisémites, qui privaient de leurs fonds immobiliers les juifs ayant quitté le pays, responsables du non versement des loyers.
Enquête
«Mes clients ne sont pas voraces ni cupides, longtemps ils n’ont d’ailleurs pas voulu médiatiser l’affaire car ils sont francophiles, mais nous sommes face à une hypocrisie française», expose Me Mignard. La robe noire déplore qu’en dehors des efforts de Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères de 2017 à 2022 et parti avant d’avoir trouvé une solution, «cette histoire n’empêche manifestement personne de dormir au Quai d’Orsay». Le ministère des Affaires étrangères, aujourd’hui dirigé par le Modem Jean-Noël Barrot, a répondu à l’AFP ne pas faire «de commentaire sur une procédure juridictionnelle en cours».
Me Mignard a saisi le tribunal administratif de Paris d’une requête sur le fond en mai 2024 puis, en février 2025, d’une requête en référé-provision, soit une procédure accélérée. «Nous sommes typiquement dans une situation de biens juifs spoliés, qu’on occupe sans vergogne et sans payer de loyer aux vrais propriétaires», s’indigne Me Mignard. Pour Philip Khazzam, ayant droit de 65 ans, ce «n’est pas qu’une question d’argent, c’est avant tout une affaire de droits humains».