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Guerre

En Syrie, Israël frappe le gouvernement à Damas et accroît les tensions

L’armée israélienne a lourdement bombardé mercredi 16 juillet le ministère de la Défense syrien, affirmant qu’il s’agissait d’un «avertissement». Washington appelle à la désescalade.
Le ministère de la Défense syrien, à Damas, après les frappes israéliennes, le 16 juillet 2025. (Ghaith Alsayed/AP)
publié le 16 juillet 2025 à 19h35
(mis à jour le 16 juillet 2025 à 20h51)

Jamais, durant les quatorze ans de guerre civile entre la fin 2011 et 2024, lorsque Bachar al-Assad se maintenait au pouvoir grâce à ses alliés iraniens et du Hezbollah libanais, Israël n’avait frappé le ministère de la Défense à Damas, situé dans le centre de la capitale. Mercredi 16 juillet en milieu d’après-midi, l’armée israélienne l’a fait, ciblant une aile du ministère, ainsi qu’«une cible militaire» à proximité du palais présidentiel. Au moins trois personnes ont été tuées et 34 blessées, selon le ministère syrien de la Santé. Dans la soirée, les autorités syriennes ont annoncé de nouvelles frappes israéliennes sur les environs de Damas.

«Il s’agit d’un avertissement», expliquait peu après un officiel de l’armée israélienne. Selon lui, Israël entend protéger la communauté druze de la région de Sweida, où les affrontements s’enchaînent depuis dimanche, et imposer la démilitarisation du sud de la Syrie, le long de la frontière israélienne. «Les forces syriennes ne règlent pas le problème, elles font partie du problème», assurait la même source.

980 bombardements et 420 incursions

Les frappes de jeudi au cœur de Damas marquent l’escalade la plus violente depuis le 8 décembre 2024 et la chute de Bachar al-Assad, forcé à l’exil par l’avancée éclair des combattants islamistes menés par Ahmed al-Charaa, devenu président par intérim. Selon un décompte de l’analyste Charles Lister, l’armée israélienne a procédé depuis à plus de 980 bombardements ou tirs d’artillerie. Durant les seuls trois jours qui ont suivi le départ d’Assad, elle a frappé plus de 350 fois, détruisant entre 70 et 80 % de ce qui restait de l’arsenal de l’ancien régime. Israël a également mené plus de 420 incursions en territoire syrien et investi la zone tampon du Golan. Un moyen d’éviter qu’«une force hostile» ne s’y installe, avait alors affirmé le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou.

Cet activisme militaire illustre surtout sa défiance vis-à-vis d’Ahmed al-Charaa. «Il ne lui accorde aucune confiance, il le considère avant tout comme un jihadiste et ne croit pas qu’il a pu évoluer», explique une source diplomatique occidentale.

Le président par intérim syrien a pourtant tenté de donner des gages. En mai, il a expulsé des responsables de factions palestiniennes de Damas et imposé qu’elles rendent les armes, ce qu’elles ont fait. Il n’a, en parallèle, cessé de répéter qu’il ne voulait pas de conflit avec les pays voisins et qu’il se concentrait sur la reconstruction de la Syrie, ravagée par la guerre. Les forces syriennes n’ont par ailleurs jamais répliqué aux frappes israéliennes tandis que des contacts directs étaient établis entre les deux pays. Des émissaires syrien et israélien se sont notamment rencontrés le 12 juillet à Bakou, en Azerbaïdjan.

Optimisme de Washington

Cette stratégie semble avoir convaincu les Etats-Unis. Mi-mai, Donald Trump a assuré qu’Ahmed al-Charaa était prêt à accepter de normaliser ses relations avec Israël, comme il le lui avait demandé lors d’un entretien en Arabie Saoudite. Deux semaines plus tard, l’émissaire américain pour la Syrie, Thomas Barrack, appelait depuis Damas au rapprochement entre les deux pays. «Le problème entre la Syrie et Israël peut être résolu, et cela commence par un dialogue, déclarait-il à la chaîne saoudienne Al-Arabiya. Nous devons commencer avec juste un accord de non-agression […], parler […] des frontières et commencer une nouvelle relation.» Selon lui, Ahmed al-Charaa lui a assuré qu’il voulait «la paix» à la frontière israélienne.

Signe de l’optimisme de Washington, la plupart des sanctions qui visaient la Syrie ont été levées. Le 7 juillet, les Etats-Unis ont même révoqué le statut d’organisation terroriste du groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), dirigé par Al-Charaa avant la prise de Damas. HTS était issu du Front al-Nosra, filiale syrienne d’Al-Qaeda, avec qu’il avait rompu en 2016.

Mercredi, quelques heures après les frappes israéliennes sur Damas, le secrétaire d’Etat Marco Rubio s’est dit «très préoccupé». «Nous nous sommes engagés avec eux tout au long de la matinée et de la nuit, avec les deux parties, et nous pensons que nous sommes sur la voie d’une véritable désescalade, a-t-il ajouté. [Il y a eu] un malentendu, semble-t-il, entre la partie israélienne et la partie syrienne.» Dans la soirée, les Etats-Unis ont appelé le gouvernement syrien à quitter la zone de conflit, via la porte-parole du département d’Etat, Tammy Bruce : «Nous demandons au gouvernement syrien de retirer son armée afin de permettre à toutes les parties de désamorcer la situation et de trouver une solution.»