Des attaques et ripostes entre Israël et le Hezbollah à la frontière israélo-libanaise ont fait croire à une escalade de tensions sérieuse, avant de finalement sembler retomber. Ce vendredi matin, une vingtaine de roquettes, interceptées par le Dôme de Fer israélien ont été lancées depuis le sud Liban et revendiquées par le Hezbollah dans un communiqué : « A 11h15 vendredi, les groupes du martyr Ali Kamel Mohsen et du martyr Mohammad Kassem Tahan de la révolution islamique ont bombardé un terrain à découvert dans les environs des bases de l’occupation israélienne dans le secteur des fermes de Chebaa, avec des dizaines d’obus de calibre 122 mm.»
La Finul, la Force intérimaire des Nations unies au Liban, s’est inquiétée d’une «escalade très dangereuse» à la frontière, qu’elle surveille depuis 1978, et a appelé les parties à un cessez-le-feu. «Il s’agit d’une situation très grave, avec des actes d’escalade de la part des deux parties au cours des deux derniers jours», a déclaré l’instance onusienne, qui tente d’empêcher une surenchère hors de contrôle. Toutefois, les responsables de Tsahal, l’armée israélienne, ont déclaré qu’aucune des deux parties n’était intéressée par une escalade des violences. Ces missiles du Hezbollah font office de représailles après des frappes israéliennes dans la nuit de mercredi à jeudi sur le territoire libanais, les premières depuis sept ans.
Diversion du Hezbollah
Les roquettes tirées par le parti chiite visaient les fermes de Chebaa, situées sur un versant du mont Hermon, revendiqué par le Liban, mais aussi par Israël, puisqu’elles appartiennent au Golan syrien occupé par l’Etat hébreu. Pour Daniel Meier, chercheur associé du laboratoire Pacte à Grenoble et professeur à l’université de Genève, «le lieu est stratégique pour les deux belligérants. C’est un espace de confrontation, qui n’appartient pas vraiment au territoire israélien. La zone est considérée comme libanaise par le Hezbollah, et syrienne pour l’ONU. En la visant, le Hezbollah n’a pas franchi de ligne rouge».
Ce nouvel épisode de violences intervient au lendemain des premiers raids aériens menés par Israël depuis 2014 sur le territoire libanais, le jour de la commémoration de l’explosion du port de Beyrouth. L’armée israélienne avait précisé viser des sites de lancement de missiles et des «activités terroristes», après que trois tirs de roquettes se soient abattus sur Israël, touchant la ville de Kiryat Shmona. Ces tirs n’ont toujours pas été revendiqués, même si, selon le quotidien israélien Haaretz, des responsables de Tsahal y voyaient la main de factions palestiniennes plutôt que du Hezbollah. «400 000 Palestiniens habitent dans des camps de réfugiés dans le sud Liban, et ne peuvent intervenir contre Israël qu’avec l’aval du Hezbollah», estime pourtant Ely Karmon, chercheur associé au Centre International de Contre-Terrorisme (ICT) à Herzliya.
Vendredi matin, après les tirs du Hezbollah, une vidéo, largement relayée sur les réseaux sociaux, montrait des habitants druzes du village de Chouaya, dans le disctrict de Hasbaya, au sud Liban. Très remontés, ils ont bloqué le passage d’un camion transportant un lance-roquettes à plusieurs canons, accusant le Hezbollah d’exposer les civils en lançant des roquettes à proximité d’habitations. «Peut-être que le Hezbollah, sous le feu des critiques à l’occasion des un an de l’explosion du port de Beyrouth tente de faire diversion. L’exaspération des habitants druzes montre que le parti chiite est fragilisé sur le plan interne», poursuit le chercheur.
— Fares Halabi | فارس الحلبي (@FaresHalabi) August 6, 2021
Par ailleurs, certains commentateurs libanais ont attiré l’attention sur les tensions entre l’Iran d’une part, Israël, les Etats-Unis et le Royaume-Uni de l’autre, suite à l’attaque le 29 juillet du Mercer Street, un pétrolier en mer d’Oman, exploité entre autres par l’armateur Zodiak Maritime, sis à Londres et détenu par le milliardaire israélien Eyal Ofer. L’attaque de drones avait fait deux morts sur le navire, un ressortissant britannique et un Roumain. «L’Iran mobilise tous ses pions, absolument partout. L’attaque du pétrolier a été menée parce que Israël a abattu deux membres du Hezbollah lors d’une attaque aérienne en Syrie, et réitère afin d’évaluer où est la ligne rouge d’Israël», analyse Ely Karmon. Les tensions de cette semaine ne sont que l’épitome d’un contexte régional explosif, mêlant le programme nucléaire de l’Iran, la diplomatie américaine, et la situation politique libanaise bloquée.