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Epidémie

Choléra en Ukraine: pas de cas avérés à Marioupol, mais une situation sanitaire critique

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Malgré les informations des services de renseignement britannique, faisant étant de cas de choléra à Marioupol, il est difficile d’affirmer que la ville risque d’être en proie à une telle épidémie.
Des habitants de Marioupol devant un immeuble d'habitation détruit durant le conflit entre l'Ukraine et la Russie, le 30 mai. (Alexander Ermochenko/Reuters)
publié le 10 juin 2022 à 20h01

Assiégée pendant presque trois mois, la ville martyre de l’Ukraine, Marioupol, deuxième port du pays, a fini par tomber, le 17 mai, aux mains des soldats russes, après des semaines d’une résistance acharnée. Les 150 000 habitants restants doivent désormais composer avec l’occupant, et affrontent chaque jour les innombrables conséquences des destructions massives de la ville. Depuis le début de la guerre, Marioupol demeure isolée et inaccessible. Se procurer de l’eau potable est devenu extrêmement compliqué, et les rues ressemblent à des «marécages», à un «mélange entre eaux usées et eau potable», selon des observateurs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui pourrait contribuer à la propagation de maladies infectieuses, dont le choléra.

Les services de renseignement britanniques confirment ce vendredi que «quelques cas isolés de choléra ont été signalés depuis le mois de mai», et que «Marioupol risque d’entrer dans une épidémie de choléra». Sauf que la ville, affectée par les multiples bombardements et plusieurs semaines de siège, ne dispose pas d’infrastructures ni de matériel médical suffisant, pour traiter et enrayer une potentielle épidémie.

«La mort en moins de 48 heures»

Contactée par Libération, Claire Nicolet, responsable adjointe de la cellule urgence de Médecins sans frontières (MSF), en lien permanent avec ses équipes réparties entre Dnipro, Zaporijia et Mykolaïv, nuance les informations du ministère de la Défense britannique : «Aucun test n’a été réalisé sur la population de Marioupol, donc ce que l’on croit être des cas de choléra m’apparaît plutôt comme des maladies diarrhéiques, entraînées par un mauvais accès à l’eau.» En d’autres termes, aucune certitude qu’il s’agisse du choléra puisque la bactérie Vibrio cholerae n’a, pour le moment, pas été identifiée dans les selles et que les symptômes entre cette pathologie et les maux diarrhéiques sont très similaires. «La particularité du choléra est que si le malade n’est pas traité à temps, il meurt en moins de 48 heures, précise Claire Nicolet. Mais cela se soigne très facilement : comme pour les maladies diarrhéiques, il faut réhydrater le patient.» Par ailleurs, Claire Nicolet rappelle que le choléra n’apparaît pas dans des eaux souillées, mais se transmet, comme une gastro. Le virus ne se déclenche pas tout seul, et doit être porté par une personne, pour être ensuite propagé. «Comme la ville est bouclée depuis trois mois, je ne vois pas qui aurait pu ramener le choléra. Mais il est vrai qu’on manque d’informations fiables.»

Dans son rapport d’analyse des services de santé publique en Ukraine, mis à jour en avril dernier, le Health Cluster d’Ukraine, structure de coordination de la réponse sanitaire pour les personnes en situation d’urgence, et hébergé par l’OMS, fait état de 33 cas de choléra déclarés à Marioupol en 2011, les derniers constatés en Europe, et indique que «le risque de flambée épidémique est accru en raison de l’interruption et de la destruction de l’approvisionnement en eau et des infrastructures de [l’organisation d’accès à l’eau] WASH, ainsi que des conditions climatiques plus chaudes du printemps et de l’été, favorables à la transmission». Traité à temps et de manière adaptée, le choléra donne lieu à un taux de mortalité inférieur à 1 %.

«La ville manque cruellement de médecins»

Sauf que l’impossible accès à Marioupol soulève de nombreuses questions inquiétantes : combien de médecins exercent toujours dans la ville ? Quels sont les stocks de médicaments ? Combien d’hôpitaux demeurent ouverts ? Ce vendredi, le conseiller du maire de Marioupol, Petro Andryushchenko, publie sur sa chaîne Telegram : «Malgré les sympathiques photos publiées par les Russes, la ville manque cruellement de médecins. Les soldats russes ont “persuadé” des retraités de 80 ans de retourner au travail. La ville manque de spécialistes, mais aussi de généralistes. Les malades sont invités à attendre ou à se rendre à Donetsk par leurs propres moyens.» Quelques jours auparavant, il avait écrit que quatre pharmacies ont été ouvertes dans la ville par les Russes, mais que la plupart des gens ne disposent pas d’argent liquide pour payer des médicaments. Les banques ne fonctionnent plus. «Les hôpitaux de la ville acceptent jusqu’à 50 patients par jour, ce qui n’est rien pour 150 000 personnes», raconte-t-il. Claire Nicolet affirme : «Depuis le début du conflit, notre préoccupation concerne l’accès à certaines zones où les populations sont complètement privées de soins de base.»

Au 2 juin, l’OMS dénombre 269 attaques contre des structures de soins de santé, qui ont fait au moins 76 morts et 58 blessés, depuis le début de la guerre. L’agence onusienne a lancé un appel aux dons pour récolter 147,5 millions de dollars nécessaires pour répondre à l’aggravation des besoins humanitaires en Ukraine, et surtout, être en mesure de fournir des services de santé. Sur ce total, 80 millions de dollars sont consacrés aux distributions de matériel médical, tandis que 67,5 millions de dollars sont répartis entre la Pologne, la République tchèque, la Moldavie et la Roumanie, afin que les réfugiés ukrainiens bénéficient d’une assistance médicale.