Un hall d’aéroport, une basket balancée en l’air, un danseur, professionnel ou pas et puis, bien sûr, Céline Dion à plein tube. L’automne dernier, Blake McGrath, danseur professionnel de 41 ans, s’est retrouvé dans le hall des départs de l’aéroport de Dallas, aux Etats-Unis. Pour tromper l’attente avant l’embarquement de son vol, il a décidé de… danser. Et de se faire filmer par son assistant. Il a choisi une chanson «vraiment dramatique», de Céline Dion, It’s All Coming Back to Me Now, et s’est lancé.

«Ce n’était pas chorégraphié», a raconté le danseur canadien au Washington Post samedi. «Je savais que j’allais rouler avec ma valise, balancer ma chaussure et enchaîner les pirouettes, et puis après, on verrait bien.» On a vu. La vidéo de 20 secondes est hilarante et magnifique à la fois. Il danse avec sa valise, envoie sa chaussure dans les airs, pirouette impeccablement avant de bondir dans les airs comme un cabri, sous les yeux de passagers blasés ou éblouis. La vidéo, publiée sur TikTok, a explosé les compteurs, avec des millions de vues. Blake McGrath, lui, a raté son vol. Il s’est rendu compte trop tard qu’il dansait devant la mauvaise porte d’embarquement.

Le clip, intitulé «J’ai tué TikTok mais raté mon vol», a fait des émules dans des dizaines d’aéroport autour du monde, de la Nouvelle-Zélande à l’Australie, en passant par le Royaume-Uni et le Canada. Le résultat est éclectique. Des danseurs ou gymnastes professionnels rivalisent de prouesses techniques, en multipliant pirouettes, jetés et autres fouettés, comme Olivia Alboher, 24 ans, danseuse professionnelle du New Jersey, séduite par l’humour de ces vidéos et par le contraste entre le sérieux et le brouhaha des aéroports et «l’instant cinématographique» d’une danse improvisée. «Vous ne voulez pas rater votre vol et voilà qu’il y a quelqu’un qui flotte autour de vous en dansant, c’est hilarant». Alors elle aussi s’y est mise et a déjà dansé dans les aéroports de Los Angeles, Newark et Aruba.

Des quidams moins naturellement doués, ou entraînés, esquissent eux aussi quelques pas ou contorsions douteuses, souvent en explosant de rire. Pour le plaisir. Pour rire. C’est le cas de Barbie Smith Simons, jeune retraitée de 60 ans, de Madison, dans le Wisconsin. Inspirée par la vidéo de Blake McGrath, qu’elle a regardée «encore et encore», elle a fini par se dire : «Et pourquoi pas moi ?» En février, alors qu’elle était en transit à l’aéroport international de Denver, Barbie Smith Simons, qui n’a jamais pris de cours de danse de sa vie, s’est donc lancée, filmée par sa sœur. Large sourire aux lèvres, elle tente maladroitement de naviguer entre les roulettes de sa valise, enlève une de ses chaussures et manque de s’écrouler par terre avant de finir par une roue improbable sur le tapis de l’aéroport, sous les yeux de passagers dubitatifs. Ce dont elle se fiche manifestement totalement. «Je l’ai fait parce que je vis avec de la joie», a-t-elle dit. Sa vidéo a été vue par un demi-million de personnes, qu’elle a, à n’en pas douter, mises aussi en joie et Blake McGrath l’a même félicitée sur une vidéo.

Même constat pour la photographe Saindy Pyles, 34 ans, qui, depuis qu’elle est tombée sur la vidéo initiale, scrute attentivement les couloirs des aéroports dans l’espoir de tomber sur un danseur. La semaine dernière, un peu découragée par sa quête sans succès et alors qu’elle était à l’aéroport d’Atlanta de retour de vacances au Belize, elle a demandé à son mari de la filmer. «J’aimerais tellement être capable de réaliser toutes ces pirouettes et ces sauts.» Il y a encore du travail.

Plusieurs mois après son improvisation, Blake McGrath n’en revient pas du succès de sa vidéo, il a même renouvelé l’expérience, à plusieurs reprises, encourage d’autres à danser et a signé un deal avec une marque de bagages. Il a toujours un faible pour les chorégraphies sur du Céline Dion, la dernière est sur My Heart Will Go On. Il essaye de filmer les vidéos en une fois, mais c’est arrivé qu’il s’y reprenne à trois reprises. Il écoute la musique du téléphone caché dans la poche de celui qui le filme et se promène toujours avec du désinfectant, vu le temps qu’il passe sur les sols des aéroports. Ah, et il recommande à ses émules de faire bien attention à leurs alentours avant de se lancer, et notamment avant de balancer leur chaussure dans les airs. Mais ce qu’il préfère, c’est de voir le nombre d’enfants inspirés. «J’aime particulièrement voir ces gamins si joyeux, aimer ce qu’ils font et partager leur plaisir.»