Ils seront trois hommes qualifiés en athlétisme, en natation et au judo. Et, contre toute attente, trois femmes en athlétisme ainsi qu’en cyclisme. La présence de ces sportives était la condition nécessaire à la participation de l’Afghanistan aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, exigée par le Comité international olympique (CIO).
Reportage
Depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021, dont le gouvernement n’est reconnu par aucun pays au monde, ces fondamentalistes islamistes «mènent une véritable guerre contre les femmes et les filles», alerte Amnesty International dans son dernier rapport sur les droits des citoyennes afghanes. «Elles sont bannies de la vie publique, empêchées d’accéder à l’éducation, visées par des interdictions de travailler ou de se déplacer librement, emprisonnées, soumises à des disparitions et torturées, notamment pour avoir dénoncé ces politiques et résisté à la répression», énumère l’ONG. Elles ont aussi l’interdiction de faire du sport. Pour l’ONU, les talibans pratiquent un «apartheid de genre». Pourtant, le gouvernement assure régulièrement soutenir les athlètes représentant l’Afghanistan à l’international.
Aucun taliban accrédité
Basé à Kaboul, le directeur général du Comité national olympique afghan (CNO), Dad Mohammad Payenda Akhtari, a indiqué à l’AFP agir en coordination avec les autorités talibanes chargées du sport. Le CIO, lui, dit ne parler qu’au CNO – dont le président et le secrétaire général sont par ailleurs en exil –, jamais directement avec les autorités talibanes. «Aucun représentant du gouvernement taliban ne sera par conséquent accrédité pour les Jeux olympiques de Paris», a déjà annoncé Mark Adams, le porte-parole du CIO.
«Comme le sport féminin est suspendu en Afghanistan», les athlètes femmes «n’ont pas été envoyées depuis le pays», a expliqué Dad Mohammad Payenda Akhtari. «Elles vivent toutes à l’étranger et ont été envoyées par le CIO», qui prend en charge financièrement la plupart des sportifs afghans, a-t-il ajouté. Leurs collègues masculins sont aussi installés hors de leur pays natal, sauf le judoka. L’identité d’aucun d’entre eux n’a, pour l’instant, été dévoilée.
«Je suis tellement contente qu’il y ait trois femmes afghanes aux JO»
Ils et elles ne concourront pas aux JO de Paris sous le drapeau blanc et noir des talibans, mais sous l’étendard de l’ex-république renversée par le groupe armé. L’ensemble des sportifs afghans participant à des compétitions internationales le font en hissant ce drapeau, excepté les athlètes engagés dans l’équipe olympique des réfugiés, à l’instar de Masomah Ali Zada, cheffe de mission de l’équipe des réfugiés aux Jeux olympiques. Trois ans après sa participation aux JO de Tokyo, cette cycliste de 28 ans a raccroché son vélo pour se faire «la porte-voix de 120 millions de déplacés dans le monde», en particulier de celles des femmes.
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«Mais quand je compare ma situation ici, en France, où je peux vivre et voyager seule, à celle des Afghanes… Je suis triste et déçue de ne rien pouvoir faire pour elles», confie-t-elle à l’AFP, émue. Mais l’annonce de la présence de sportives au sein de l’équipe qui représentera son pays natal aux JO de Paris l’a réjouie : «Je suis tellement contente qu’il y ait trois femmes afghanes aux JO et qu’elles soient à égalité avec les hommes.» Elle prévoit d’aller les encourager.
A Kaboul, la cycliste essuyait des jets de pierres et des insultes lors de ses virées dans les lacets des routes afghanes. Mais cela ne l’a pas empêchée d’intégrer à 16 ans l’équipe nationale. «J’ai grandi avec beaucoup d’inégalités et d’insécurité. On vivait dans la peur. Mais quand je montais sur mon vélo, je me sentais libre. J’oubliais les problèmes. J’avais l’impression d’avoir un pouvoir, alors qu’en Afghanistan, on pense que les femmes ne sont pas capables de faire certaines choses», se souvient-elle. Elle a finalement dû quitter son pays face à une presse hostile.
Désormais, Masomah Ali Zada aspire à travailler dans le sport, renforcée par l’expérience du haut niveau et aguerrie par son parcours. Elle vient de finir son master en génie civil, obtenu à Lille. Cet été, pendant toute la durée de la compétition, la cheffe de mission de l’équipe des réfugiés aux Jeux olympiques soutiendra les 36 athlètes du groupe, provenant de onze pays dans douze disciplines. Cette équipe atypique bénéficie de son propre emblème, un cercle de flèches symbolisant leurs périples et surmontant les anneaux olympiques.