Bruxelles peut se réjouir, elle a rempli son objectif fixé en janvier. Cette semaine, Ursula von der Leyen a annoncé que 70% des adultes européens étaient complètement vaccinés, une barre que l’UE avait promis d’atteindre avant la fin de l’été. Mais la présidente de la Commission européenne a souligné qu’il était nécessaire de réduire «l’écart inquiétant» des taux de vaccination entre les Etats membres. Car si l’UE a pu franchir le taux de 70%, c’est grâce à des pays comme le Portugal, la Belgique, le Danemark et l’Irlande, qui comptent plus de 80% d’adultes vaccinés. Mais d’autres, comme la Bulgarie, peinent à dépasser les 20%.
La campagne de vaccination en Bulgarie a très mal démarré. En décembre, Sofia avait principalement commandé des doses d’AstraZeneca, les tarifs étant plus avantageux et les conditions de conservation beaucoup plus simples. Le pays n’avait alors pas les capacités logistiques pour conserver des doses sous -70°C, comme le nécessitent les vaccins à ARN messager de Pfizer et Moderna. Mais les rares cas de thromboses observées parmi les personnes ayant reçu l’AstraZeneca, ont fortement découragé la population à se prémunir contre le virus. Sofia a rectifié le tir, en achetant à d’autres laboratoires, mais le pays avait déjà accumulé du retard.
«Campagne dictée par le clientélisme»
Le système de santé à la peine et une organisation défaillante ont aussi été des freins. «Comme dans beaucoup d’ancien pays communistes, la politique libérale mise en place à partir des années 90 a participé à la dégradation du système de santé publique», explique Nadège Ragaru, directrice de recherche à Sciences-Po. «La Bulgarie manque cruellement de moyens et de personnels pour mener une campagne de vaccination efficace. Il est impossible d’installer des vaccinodromes comme on en a vu en France», ajoute la spécialiste des Balkans.
La campagne s’est également heurtée à la crise politique qui secoue la Bulgarie : le pays se dirige vers une troisième élection en un an. Aucune coalition gouvernementale n’a pu être formée, c’est un gouvernement de transition qui dirige le pays depuis quelques mois, affectant la cohérence de la politique vaccinale. «Au lieu d’une stratégie de priorisation des populations à vacciner, la campagne a été dictée par le clientélisme», estime Nadège Ragaru.
Large désinformation
La mauvaise communication n’a fait qu’aggraver la défiance des Bulgares envers les autorités. «L’Etat a tardivement communiqué sur les vaccins et n’a pas cherché à démentir les différentes théories complotistes», affirme Nadège Ragaru. L’absence de discours officiel compréhensible a laissé place à une large désinformation. Pire, des fake news ont été relayées par des spécialistes. Atanas Mangarov, le directeur de l’unité Covid au sein de l’hôpital des maladies infectieuses de Sofia, a dès le départ exprimé ses doutes sur la mortalité liée au virus («Cette maladie n’est pas aussi terrible qu’ils la décrivent») puis sur les vaccins («On ne sait pas quelle est leur efficacité. […] On ne sait pas non plus quels sont leurs effets secondaires»).
Alors que la situation sanitaire s’aggrave, les autorités viennent de mettre en place plusieurs mesures contraignantes pour les non-vaccinés. Par exemple, tous les évènements sportifs ou culturels se tiendront avec une jauge maximale et uniquement pour les spectateurs munis d’un pass sanitaire. Si le rythme actuel, de 9 500 injections quotidiennes, est maintenu, l’objectif fixé par l’UE de 70% d’adultes vaccinés ne serait atteint en Bulgarie qu’en mars 2023…