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Asphyxie

Venise, Santorin, Barcelone : étouffées par le tourisme de masse, îles et villes se rebiffent

Billet d’entrée, quotas, interdiction d’Airbnb : confrontées à l’afflux de millions de visiteurs chaque année, des municipalités européennes cherchent à réguler le surtourisme et alléger ses nuisances sociales comme environnementales.

L'île grecque de Santorin reçoit 3,4 millions de touristes chaque année. (Aris Oikonomou/AFP)
Publié le 30/08/2025 à 6h00

Prisées pour leur patrimoine exceptionnel et souvent mises en avant sur les réseaux sociaux, de nombreuses destinations sont aujourd’hui victimes de leur succès. Pour ne citer qu’elles, Venise, Barcelone ou encore Santorin sont entrées dans l’imaginaire collectif comme des espaces bondés, pris d’assaut par les visiteurs. Pour faire face à ce tourisme de masse, plusieurs municipalités mettent en place des restrictions.

Un QR code payant pour visiter Venise

Connue pour son patrimoine historique, ses canaux, son carnaval, la Sérénissime attire quelque 20 millions de touristes par an. La ville italienne sature. Pour remédier aux dommages engendrés par le surtourisme, la municipalité a mis en place une taxe, en 2024, pour entrer dans la ville. Les touristes doivent se munir d’un billet à 5 euros sous forme de QR code pour accéder à Venise. Si les visiteurs s’y prennent au dernier moment, ils devront s’acquitter de 10 euros. Alors qu’en 2024, la taxe ne s’étendait que sur vingt-neuf jours estivaux, elle a été étendue à un total de cinquante-cinq jours en 2025.

Seuls les touristes ne restant qu’à la journée dans la vieille ville, entre 8 h 30 et 16 heures, doivent payer cette somme. Les autres en sont exemptés. Une contrainte qui s’adresse donc principalement aux plaisanciers, arrivant par le biais des bateaux de croisières. En 2021 déjà, Venise a pris des mesures à l’encontre de ces navires. Ceux de plus de 180 mètres de long ou de plus de 25 000 tonnes sont interdits dans le centre historique.

Les billets pour entrer dans Venise présentent toutefois quelques limites. Aucun plafond n’a été fixé pour la vente de ces tickets. Les touristes dormant au moins une nuit sur place, les moins de 14 ans et les étudiants ont le droit à un QR code gratuit. L’initiative a finalement peu d’impact sur le nombre de visiteurs. Mais elle serait très rentable puisqu’elle a rapporté 2,4 millions d’euros à la ville en 2024, selon le Guardian. En 2024, Venise a également interdit l’accès de son centre historique aux groupes de plus de 25 personnes. Un moyen de lutter contre les attroupements dans la ville. Le recours aux haut-parleurs lors de tours guidés a aussi été supprimé.

Santorin, 3 millions de touristes pour 15 500 habitants

Les bâtisses blanches et les eaux turquoise de Santorin envahissent Instagram. Environ 3,4 millions de touristes s’y pressent chaque année, et 500 mariages d’étrangers y sont organisés annuellement. L’île grecque ne fait pourtant que 18 kilomètres de long sur 12 kilomètres de large, pour 15 500 habitants.

Depuis le 1er juillet 2025, les croisiéristes débarquant à Santorin, mais aussi à Mykonos, doivent s’acquitter d’une taxe environnementale de 20 euros. Un moyen pour la Grèce d’éviter les embouteillages de bateaux dans les ports de ces îles. Une limite quotidienne de plaisanciers a également été imposée à Santorin. Désormais, seules 8 000 personnes pourront accoster chaque jour contre 17 000 auparavant.

De son côté, le maire de l’île, Nikos Zorzos, a demandé à ce «qu’aucun lit supplémentaire ne soit autorisé» pour le tourisme, que cela soit au niveau de la capacité hôtelière ou pour les locations Airbnb. Il souhaite également que la saison touristique soit étendue, et ne se concentre pas seulement sur l’été.

A Barcelone, le tourisme contre le droit au logement

Si Barcelone est la deuxième ville la plus visitée d’Espagne – elle-même deuxième destination mondiale derrière la France –, la capitale catalane est également un fief de mobilisations contre le tourisme de masse. En 2024, la ville a battu des records avec 170 000 visiteurs par jour en moyenne.

Manifestants avec des slogans tels qu’«un touriste de plus, un voisin de moins», les Barcelonais s’inquiètent de la pression générée par le tourisme sur les logements et le prix des loyers. Sur de nombreuses façades, on peut lire «C’était ma maison», ou «Rentre chez toi, bordel». Les visiteurs sont aussi souvent responsables de nuisances, de pression sur les services de santé, les ressources en eau et la gestion des déchets. En réponse, la mairie socialiste de Barcelone a décidé de ne plus renouveler les licences de locations touristiques et est en voie d’interdire Airbnb et ses équivalents d’ici fin 2028. Environ 10 000 logements touristiques seront concernés. L’objectif est de reconvertir ces biens en logements résidentiels.

La ville investit également pour fluidifier les flux touristiques, avec 44 millions d’euros de budget jusqu’en 2027. Dans certains quartiers, la municipalité a fait retirer des indications de lignes de bus de Google Maps pour qu’elles soient connues des seuls locaux et pour réduire la pression touristique. En 2025, une nouvelle taxe de séjour est également entrée en vigueur, passant de 4 euros à 8 euros par nuit. Dans les hôtels quatre ou cinq étoiles, elle peut atteindre 11,40 euros et 15 euros par nuit, devenant ainsi l’une des taxes les plus chères d’Europe.