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Électorat, Élections, Présidentielle

François Fillon, le candidat qui séduit une partie de l'extrême droite

Entre patriotisme, conservatisme social et libéralisme économique, le discours du candidat LR séduit une partie de la mouvance que rebute le «chevènementisme» de Marine le Pen.

François Fillon. Photo Albert Facelly. Libération
Publié le 28/11/2016 à 15h43

Qui voit, dans le succès de François Fillon, «une bonne nouvelle pour le débat politique français» ? Qui salue avec enthousiasme son «discours de rupture prometteur, conservateur sur le registre sociétal, fortement réformateur en matière économique et réaliste au plan international» ? Beaucoup de sympathisants de droite, évidemment, qui ont largement désigné le député de Paris comme leur candidat à l'élection présidentielle. Mais ces mots précis sont ceux de Karim Ouchikh, président du Siel — un petit parti identitaire et conservateur, allié au Front national jusqu'au début du mois de novembre. Comme lui, une partie de l'extrême droite «hors FN» se laisse séduire par l'ex-Premier ministre, parfois plus que par une Marine Le Pen en plein recentrage.

«Révolution conservatrice»

Outre Karim Ouchikh, on aura aussi entendu la semaine dernière Patrick Buisson saluer, dans la victoire annoncée de François Fillon, la «révolution conservatrice à l'oeuvre dans toutes les sociétés occidentales». L'ex-Premier ministre a «fait une campagne de transgression des tabous», s'est félicité l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, de culture maurrassienne. De son côté, l'idole réactionnaire Eric Zemmour ne cachait pas son intérêt pour le candidat qui_ «ose reconnaître_ [que l'Islam] est la seule religion qui pose un problème à la société française». Dans un meeting parisien, le 25 novembre, François Fillon avait déclaré refuser d'«imposer de nouvelles exigences au catholicisme, au au protestantisme, au judaïsme, qui vivent en paix avec la République», jugeant que «seul l'intégrisme musulman menace notre société».

Pour d'autres, le premier mérite de François Fillon est d'avoir permis l'élimination du modéré Alain Juppé. C'est dans le but de «liquider le couple Juppé-NKM» que l'hebdomadaire Minute appelait, la semaine dernière, ses lecteurs à prendre part à la primaire. Donc, de fait, à voter Fillon, auquel le journal reconnaît par ailleurs le mérite d'avoir «de tous les candidats, perçu de la meilleure façon la droitisation de la vie politique française». Si le candidat n'a jamais sollicité ces encombrants soutiens, ceux-ci ont bien été utilisés contre lui par Alain Juppé. «J'entends sur les ondes de plus en plus de soutiens venus de l'extrême droite qui soutiennent la candidature de François Fillon», avait déclaré le maire de Bordeaux entre les deux tours, dans l'espoir de mobiliser à son profit les sympathisants de la droite modérée et du centre.

«Vers la droite»

Entre patriotisme, conservatisme social et libéralisme économique, le discours de François Fillon n'est pas sans attraits pour une partie de l'extrême droite et de ses électeurs. Ce dont semblaient témoigner les résultats d'une enquête Ifop publiée après le premier tour de la primaire. Représentant 11% des participants au scrutin, les sympathisants FN se seraient prononcé à 43% pour François Fillon, contre 32% pour Nicolas Sarkozy et 14% pour Alain Juppé. Des résultats qu'on se gardera cependant d'élargir à l'ensemble des électeurs de Marine Le Pen, vue la faiblesse de l'échantillon.

Au juste, le crédit accordé à Fillon par certainesfigures d’extrême droite révèle surtout le divorce entre celles-ci et le FN de Marine Le Pen. Hors du mouvement, une partie de la mouvance n’a pas de mots assez durs pour fustiger le «chevènementisme» de celle-ci sur les questions économiques et européennes, et son relatif neutralisme sur les sujets de société. Pour Karim Ouchikh et le Siel, la victoire de François Fillon est donc surtout une occasion d’appeler la candidate frontiste à_ «renouveler son offre politique vers la droite»_. Telle ne semble pas l’intention de la direction du parti, qui compte au contraire profiter du profil de son adversaire, et d’une gauche au tapis, pour prendre la main sur le terrain social auprès de l’électorat populaire.