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Escarmouches

Sur l'euro, la querelle monte au Front national

Florian Philippot menace de quitter le parti si celui-ci renonce à une sortie de l'euro. «L'heure n'est pas aux états d'âme», lui rétorque le secrétaire général Nicolas Bay.
Florian Philippot, le 10 avril à Paris. (Photo Benjamin Cremel. AFP)
publié le 12 mai 2017 à 13h47

Officiellement, la question est renvoyée à plus tard : c’est un congrès du Front national, sans doute durant l’hiver 2017-2018, qui déterminera l’avenir du mouvement, promis au minimum à un changement de nom. Dans les faits, le débat semble avoir déjà commencé. Quelques jours après la défaite de Marine Le Pen à la présidentielle, le premier cercle mariniste cache à peine ses désaccords internes, notamment sur la question européenne.

«Pour nous, la question de l'euro, c'est terminé, a affirmé jeudi le député Gilbert Collard dans le ParisienLe peuple a fait son référendum dimanche dernier, Marine doit entendre ce message.» Même son de cloche chez l'eurodéputé Bernard Monot : «Les Français ont rejeté en bloc la sortie de l'Euro, il faut en prendre acte», a déclaré celui-ci sur RFI. Un point de vue qui n'est pas celui du vice-président Florian Philippot : jeudi sur RMC, celui-ci a affirmé qu'il quitterait «bien sûr» le parti si celui-ci renonçait à la sortie de la monnaie unique : «Je ne suis pas là pour garder un poste à tout prix et défendre l'inverse de mes convictions profondes.» 

Et le vice-président du FN d'insister : «Moi, la question de l'euro ne me fait pas peur du tout, je l'ai abordée des dizaines de fois en débat, je pense avoir plutôt été convaincant. […] [Aborder] un sujet en se disant qu'on n'est soi-même pas convaincu : ça, c'est anxiogène pour les électeurs.» 

Chantage

Ce chantage à la démission – pas le premier de la part de l'eurodéputé – a manifestement agacé le secrétaire général du FN, Nicolas Bay, qui lui a répondu vendredi sur la même antenne : «Florian Philippot a exprimé sa position personnelle. L'heure est à la mobilisation, on est à moins d'un mois des élections législatives, l'heure n'est pas aux états d'âme.» Relance de l'intervieweur Jean-Jacques Bourdin : «Il a des états d'âme, Florian Philippot ?». Réponse : «Vous lui poserez la question.» Et Bay d'ajouter qu'«en matière économique, il y a beaucoup d'autres mesures plus importantes, urgentes» que la sortie de l'euro : «Notre position est pragmatique, on n'a pas de posture dogmatique sur ces questions.»

Interrogé vendredi par RFI, Gilbert Collard a réaffirmé sa position : «Je considère que l'euro est une très mauvaise monnaie, mais j'ai toujours pensé que la sortie ne serait pas accepté par l'opinion publique (...) Dire que si on n'est pas votre avis on s'en va, ce n'est pas ma manière de me comporter (...) Il serait dommage que, si l'on ne sort pas de l'euro, on sorte de Philippot». 

C'est peu dire qu'un tel discours est très éloigné de celui qu'a longtemps tenu Marine Le Pen, et la direction du FN avec elle. Bien malin qui comprend, aujourd'hui, la position exacte du mouvement sur la question monétaire : dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle, l'édulcoration voulue par la candidate a débouché sur une troublante cacophonie parmi les orateurs frontistes. La question ne sera certes pas au centre de la campagne législative : mais elle concentre aujourd'hui bien des tensions dans un appareil traumatisé par la mauvaise fin de campagne de sa candidate. Des tensions qui n'ont guère de chances de retomber dans l'attente du congrès à venir.